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herbert spencer. — études de sociologie.

Laissant de côté cet ordre d’idées, nous observerons ici comment le présent propitiatoire devient une observance sociale. De même que tous les autres actes cérémoniels, qui doivent leur origine au désir d’obtenir la faveur de quelque être redouté, visible ou invisible, l’offre de présents traverse différentes phases jusqu’à ce qu’elle devienne un acte de civilité entre ceux qui, n’étant pas réellement subordonnés les uns aux autres, se font plaisir réciproquement en feignant la subordination. Ainsi l’ancien Pérou nous fournit la preuve que les présents, originairement un témoignage de soumission à un chef ou roi, sont en même temps un moyen de gagner la faveur des personnages présents. Dans ce pays, comme nous l’avons vu, « personne n’approchait Atahualpa sans apporter un présent en signe de soumission, et « les Indiens ne se présentaient jamais devant un supérieur sans apporter un cadeau ». Plus tard, dans le Yucatan, l’usage des présents s’étendit aux égaux. « Quand ils vont en visite, les Indiens emportent toujours des présents à distribuer, selon leur position ; ceux à qui ils rendent visite répondent par un autre présent. » Dans le Japon, où l’observation des cérémonies est si rigoureuse, les phases de la transformation sont manifestes ; il y a les présents périodiques au Mikado, indiquant la soumission ; il y a le fait cité par Mitford que « les présents offerts par les inférieurs aux supérieurs sont d’un usage général ; il y a en outre ce fait mentionné par le même auteur : « C’est la coutume, à l’occasion de la première visite dans une maison, de porter un présent au propriétaire, qui donne un objet d’une égale valeur en rendant la visite. » Chez d’autres peuples, nous voyons cette propitiation mutuelle entre égaux prendre d’autres formes. En parlant des habitants de l’Himalaya, Markham dit que l’échange de bonnets est « une marque d’amitié aussi certaine dans les régions montagneuses que l’échange de turbans entre deux chefs dans la plaine ». En faisant spécialement allusion aux Iroquois, Markham dit : « Les nations indiennes, après avoir conclu un traité, échangeaient toujours leurs ceintures, ce qui était non-seulement la ratification, mais le mémento de la convention. »

L’histoire de l’Europe nous montre comment l’offre de présents devint d’abord une cérémonie observée par la crainte du chef, se développa par crainte des hommes puissants ou influents, et acquit dans la suite un caractère de généralité par crainte des égaux, qui peuvent devenir des ennemis si on les néglige tandis que l’on cherche à gagner la faveur des autres. Ainsi, à Rome, « tout le monde donnait ou recevait des étrennes. » Les clients en donnaient à leurs patrons ; tous les Romains en donnaient à Auguste. « Il était assis