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vieillard se propose de tenir tête. Et, dans cette lutte qui paraît inégale, n’a-t-il pas d’alliés ? demandera-t-on. On peut répondre non. Si Fechner a beaucoup d’admirateurs, il n’a pas d’adeptes. De ses élèves, ceux qui ne l’ont pas tout à fait abandonné, repoussent tel ou tel point de sa doctrine, ou bien font subir à tel ou tel autre des changements qui en dénaturent, sinon complètement, du moins partiellement l’esprit. Il a donc à la fois contre lui des adversaires déclarés ou des disciples plus ou moins infidèles.

Et parmi ces opposants il y a encore une distinction à faire. Les uns se contentent purement et simplement de combattre telle ou telle proposition théorique ou expérimentale ; d’autres, Hering, Brentano, Lowne, Bernstein, Langer et moi, substituent aux idées et aux formules du maître d’autres idées et d’autres formules. Fechner les réfute toutes en passant.

Cette polémique occupe les deux tiers de l’ouvrage. Dans le dernier tiers, Fechner fait connaître les expériences qu’on a faites concernant la loi de Weber depuis la publication des Éléments. Il met en relief celles qui sont favorables à sa thèse, discute et rectifie au besoin les résultats contraires ; puis, résumant le tout, il en arrive à la conclusion que j’ai déjà fait connaître. À ses yeux, son système sort victorieux de tous les assauts qu’on lui a livrés ; il reste maître absolu du champ de bataille, sauf quelques points sans importance ; il est de tous le plus vraisemblable, le plus plausible, le moins sujet à critique, c’est le système de l’avenir. Tous les autres donnent lieu à des difficultés plus grandes, inextricables, insolubles ; et du désaccord qui règne entre eux, on doit conclure qu’il est dans la vérité (p. 5 et 6). L’argument n’est pas, il est vrai, péremptoire, et chacune des parties en cause pourrait s’en prévaloir en faveur de son opinion.

Il est, on le conçoit, complètement impossible de rendre compte en détail d’un ouvrage de cette nature. Si Fechner a eu besoin d’un volume pour répondre à des objections faites à sa doctrine, il me faudrait à moi un autre volume rien que pour discuter à fond quelques-unes des assertions de son auteur. Mais deux circonstances me permettront d’être relativement assez court.

D’abord je pourrai passer rapidement sur certaines objections ou certains systèmes à priori. Ainsi, par exemple, si l’on en croit Bernstein, voici quel serait, en dernière analyse, le fondement de la loi de Fechner. D’après ce savant physiologiste, l’excitation ébranle un certain nombre de molécules du cerveau, et le nombre de ces molécules ne croît que suivant le logarithme de la cause excitante. C’est ainsi que si l’on chauffe deux ou trois fois davantage l’extrémité d’une barre de métal, l’étendue de la partie qui s’échauffera n’en