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marion. — john locke d’après des documents nouveaux

heureusement retrouvés : Constitution légale de la vieille Angleterre, et Comment sauver l’Etat ?

Au reste, il se mêlait plus directement encore à la vie publique par ses fonctions de commissaire des appels, qui l’appelaient à Londres de temps en temps et qu’il exerçait en conscience. Dans cette sorte de tribunal des conflits, il trouvait occasion d’appliquer ses doctrines. Sans tenir compte de ses refus, trop motivés pourtant par sa santé de plus en plus chancelante, on le nomma même membre de la Commission du commerce et des colonies, réorganisée par Somers[1]. Même activité dans cette nouvelle charge : il fait des recherches sur les moyens d’encourager l’industrie textile en Irlande ; il propose toute une réforme de la loi des pauvres (poor law). Enfin, lorsque, à bout de force, il donne sa démission, c’est à grand’peine qu’il se soustrait aux instances directes et personnelles du roi, qui, ne pouvant renoncer à ses services, veut encore le charger d’une mission diplomatique en France.

Ces mêmes années, si remplies de travaux utiles (dont la longue énumération n’est pourtant pas complète[2]), avaient aussi été troublées, malheureusement, par la controverse. Comment penser et écrire librement sur tant de matières diverses, particulièrement en théologie, sans heurter des croyances ombrageuses et soulever des passions ? Des champions pleins d’ardeur et de talent se chargeaient de répondre pour Locke ; il intervint en personne le moins possible. Néanmoins il crut devoir quelquefois entrer en scène, notamment contre Edwards, qui attaqua surtout sa « Second Vindication of the Reasonableness of Christianity », et contre Stillingfleet, maintenant évêque de Worcester, qui avait dénoncé violemment l’Essai sur l’entendement, dans une défense du dogme de la Trinité contre les Unitaires. Le passage incriminé était surtout cette phrase du livre IV (chap. iii, sect. 6) : « Nous avons l’idée de matière et l’idée de pensée ; mais peut-être ne serons-nous jamais en état de savoir s’il y a ou non des êtres purement matériels doués de pensée. » Rien ne fait plus d’honneur à Locke que ses réponses, si parfaites qu’on les publie aujourd’hui en Angleterre avec l’Essai, même dans les édi-

  1. Il semble que ses amis, en l’appelant à ce poste, aient moins voulu lui imposer une besogne fatigante qu’assurer au nouveau Conseil l’autorité de son nom, et à lui-même dans sa retraite un traitement annuel de 1000 livres.
  2. En 1699, par exemple, il démontra la nécessité de réformer le calendrier. On sait, en effet, que jusque-là, et encore plusieurs années après, les Anglais persistaient à faire commencer l’année le jour de l’Annonciation, 25 mars, au lieu du 1er  janvier. — Ses lang|en|Elements of natural philosophy}} furent écrits vers ce temps-là pour le jeune fils de lady Masham. — Son traité posthume et n'achevé Of the Conduct of the human Understanding était aussi en préparation à cette époque.