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marion. — john locke d’après des documents nouveaux

nouveau jeté à la Tour et accusé de trahison. Locke, à sa demande, surveilla la première éducation de son petit-fils, le futur auteur des Caracteristics. À peine acquitté et remis en liberté aux acclamations du peuple, Shaftesbury conspira pour délivrer l’Angleterre de Charles II et mettre sur le trône le duc de Monmouth. Il est impossible que Locke n’ait pas eu connaissance de ce complot, mais il paraît certain qu’il n’y eut point de part. Tout occupé de médecine et de philosophie, il étudie la phthisie sur lui-même et dans les livres de Sydenham ; il prend, contre le doyen de Saint-Paul, Stillingfleet, la défense du non-conformisme. Pendant que ses travaux et ses goûts l’appellent à Londres, sa santé l’en éloigne, de sorte qu’il séjourne de préférence dans la banlieue, surtout l’hiver, fuyant les fumées de la grande ville. Il réside même plusieurs mois à Oxford, où il a enfin obtenu, nous ne savons comment, le grade de bachelier en médecine. Tout le monde d’ailleurs l’appelle le docteur Locke ; et son journal, alors très-nourri de détails, nous offre, pêle-mêle avec des achats de rasoirs et de cravates, des renseignements techniques sur les maladies de ses clients et les siennes, par où il est clair que la médecine est encore son occupation principale. Au reste, il était en vue bon gré mal gré. En vain écrit-il à ses amis les lettres les plus familières et les plus tendres, et même des vers « à une jeune dame qu’on ne trouvait jamais chez elle » (vers médiocres, qui font penser à ceux que Leibnitz adressait à Mlle de Scudéry sur la mort de son perroquet) ; — en vain est-il tout à son amitié naissante pour cette Damaris Gudworth, fille du philosophe, qui deviendra tout à l’heure lady Masham ; — ses ennemis lui attribuent tout ce qui paraît de pamphlets et de libelles contre le roi.

Ce fut bien pis quand la conspiration de Shaftesbury fut découverte. Le comté s’exila en Hollande et y mourut, 1683 : Locke se crut bientôt assez menacé lui-même pour se réfugier à son tour à Amsterdam. À peine y était-arrivé, qu’il reçut une lettre du docteur Fell, évêque d’Oxford et doyen de Christ Church, l’invitant à venir se défendre contre de graves accusations. Cet honnête homme, persuadé de l’innocence de Locke, voulait le sauver par une enquête régulière et avait eu le courage de répondre en ce sens à une première missive de la cour lui enjoignant de rayer du nombre des students ce factieux et cet ennemi du roi. Mais on lui fit savoir que l’enquête était toute faite et qu’il eût à prononcer l’expulsion sans délai. Locke lui sut toujours gré de ne l’avoir fait qu’à regret et après cette résistance : il n’était d’ailleurs nullement disposé à revenir se disculper.

Son séjour en Hollande dura cinq ans et demi, et fut aussi favorable à sa santé que décisif pour sa gloire. Cet asile de la pensée