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surtout à y assurer la liberté religieuse, heureux sans doute que cette occasion s’offrît de faire passer dans la pratique ses idées sur la tolérance.

On conçoit qu’il eut peu de temps alors pour prendre part aux travaux de la Société royale, dont il était membre depuis 1668. Toutefois, parmi les savants qui la composaient il s’était fait un petit groupe de son choix, qu’il aimait à réunir chez lui pour discuter sans apparat les questions scientifiques, morales ou religieuses, qui les intéressaient en commun. C’est d’un de ces entretiens que sortit, dans l’hiver de 1670, la première idée de l’Essai sur l’entendement humain. Locke en vit la nécessité et en conçut l’objet à propos d’un débat qui l’amena à se poser ce problème : quelles sont les sources et les limites de nos connaissances, quelle est la portée de nos moyens de connaître ? Mais il va travailler plus de vingt ans à son œuvre avant de la donner au public.

En 1672, il vient à Paris pour la première fois, en compagnie de lady Northumberland, durant un congé de deux ou trois semaines seulement, que sa santé l’avait forcé de prendre. Mais, au retour, lord Ashley, maintenant pair, comte de Shaftesbury et chancelier, avait plus que jamais besoin de ses services. En qualité de « secrétaire des présentations », le voilà mêlé aux plus hautes affaires politiques ; il conseille et assiste dans tous ses actes publics le chef des Whigs, prépare avec lui et souvent pour lui les projets à introduire ou à soutenir dans le Parlement. Toutefois, sa fonction particulière était la direction des affaires ecclésiastiques. Quant à son traitement, il était de 300 livres. Un curieux document nous apprend parle menu quelle était alors sa situation dans le nombreux personnel composant la maison du comte. Son nom figure parmi ceux des neuf principaux officiers « dînant à la table de l’intendant et buvant du vin » ; et il avait un domestique à son service. Comme les autres, il devait assister à la prière trois fois par jour et au sermon chaque dimanche, communier à Pâques, à la Pentecôte et à Noël. Quand le chancelier sortait en grande cérémonie, Locke et les autres secrétaires marchaient à côté de son carrosse, hormis certains cas où ils suivaient à cheval ; et, quand lui-même marchait pour monter en voiture ou après en être descendu, « ils allaient tête nue devant lui. »

Shaftesbury bientôt tombe en disgrâce, mais Locke lui reste fidèle. D’ailleurs, s’il perd sa place de secrétaire des présentations, il est nommé, grâce à sa connaissance des affaires coloniales, secrétaire du Conseil du commerce, aux appointements de 500 livres. Il est

    particulière de la part de M. Ed. Laboulaye : Locke législateur de la Caroline, Batignolles, 1850, in-8o.