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marion. — john locke d’après des documents nouveaux

on le retrouve à Oxford, reprenant ses études médicales et cherchant par la haute influence de lord Clarendon, à se faire dispense r des examens qu’il n’avait point subis en temps utile. Chose étrange, ses ennemis (soit des rivaux jaloux, soit des maîtres choqués de ses incertitudes et de ses caprices, soit plutôt des clergymen dont le rigorisme ne pouvait s’accommoder de sa tiédeur) furent assez puissants pour faire que cette faveur lui fût refusée. Ses amis le dédommagèrent en obtenant un ordre exprès du roi l’autorisant à ne pas entrer dans les ordres et à conserver néanmoins son titre de student avec tous les autres avantages et privilèges qu’il conférait. Il n’est pas moins vrai que Locke ne prit jamais le titre de docteur, nécessaire pour l’exercice professionnel de la médecine, et que cette circonstance influa peut-être sur toute sa vie. — Nous voilà d’ailleurs arrivés à un moment décisif de son existence : c’est cette année-là même qu’il fit la connaissance de lord Ashley.

Lord Ashley, qui allait cinq ans plus tard devenir comte de Shaftesbury et jouer sous ce nom un grand rôle historique, était dès lors un des premiers personnages du royaume et représentait dans l’entourage du roi les idées de liberté et de tolérance, qu’on ne désespérait pas encore de voir prédominer. Il avait par là, sans parler de son esprit et d’un grand charme personnel, de quoi séduire Locke, qui, de son côté, lui plut à première vue et fut tout d’abord traité avec distinction. L’occasion de leur rencontre fut un léger service rendu par Locke, sur la prière d’un médecin de Londres, à ce grand seigneur, venu aux eaux dans le voisinage d’Oxford. Notre philosophe alors cherchait sa voie ; ni théologien, ni médecin, ni diplomate, mais un peu tout cela tour à tour, s’intéressant à tout, ne se fixant à rien, la multiplicité de ses goûts et de ses études rendait son commerce très-agréable. Ashley, après l’avoir attiré d’abord comme ami, désira se l’attacher tout à fait. Locke consentit à devenir son médecin particulier et conseiller intime, et à ce double titre entra dans sa maison. On conçoit assez bien les raisons qui purent l’amener, lui si indépendant d’humeur et si mobile, à accepter cette condition. Nul doute d’abord qu’il n’y eût déjà entre lui et son patron cette sympathie très-véritable qui dura toujours et qui lui assurait autant d’égards qu’il en pouvait souhaiter, avec une liberté entière. Et puis, étant lui-même d’une santé délicate, il voyait là sans doute un moyen commode de continuer à loisir ses recherches favorites, en s’épargnant les fatigues de la profession médicale et la peine de conquérir les grades que l’Université lui refusait. Enfin il comptait probablement exercer par l’intermédiaire de lord Ashley une influence utile sur la direction politique et religieuse du pays ; or c’est