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J. LOCKE


D’APRÈS DES DOCUMENTS NOUVEAUX[1]



I. SA VIE ET SES ÉCRITS




On ne se figure pas généralement en France quelle place tient Locke en Angleterre. Chez nous, malgré le renom que lui fit au siècle dernier l’admiration passionnée de Voltaire, malgré la part honorable qu’on lui accorde dans l’histoire de la philosophie moderne, on peut dire qu’il est comme noyé dans la gloire de Descartes. Beaucoup ne voient même en lui qu’un cartésien dissident, ayant apporté à la philosophie cartésienne des modifications malheureuses. Tout le monde, il est vrai, ne le réduit pas à ce rôle de disciple émancipé et dévoyé de Descartes. On reconnaît en général, d’une part, qu’il a subi aussi l’influence de Bacon et de Hobbes, de l’autre, qu’il a été lui-même un penseur original et un novateur. Mais ceux mêmes qui sont ainsi disposés à lui rendre justice ne le mettent pas peut-être à son vrai rang, faute de savoir exactement ce qu’il a dû à ses prédécesseurs et ce que lui doivent les écoles qui l’ont suivi. En tout cas, nous sommes loin de le connaître complètement ; les mieux informés parmi nous ne savent que d’une manière fort vague et imparfaite le rôle qu’il a joué dans l’histoire, les services qu’il a rendus dans toutes les branches des sciences morales.

Ce n’est pas que ses principaux écrits n’aient été traduits en français : ils le furent presque tous dès le commencement du xviiie siècle, l’Essai sur l’entendement humain de son vivant même et sous ses yeux, parle réfugié protestant P. Coste. Mais toutes ces traductions parurent en Hollande. Il faut venir jusqu’en 1822 pour voir publier à Paris une édition française des Œuvres philosophiques

  1. The Life of John Locke, by H.-R. Fox Bourne, 2 gr. vol. in-8o (pp. xvi-488 ; xii-574). London, 1876. King and Co.