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delbœuf. — la loi psychophysique

que la tour de Babel n’a pu s’achever parce que les ouvriers qui devaient l’édifier n’étaient plus en état de se comprendre, de même le monument psychophysique que j’ai tenté d’élever pourrait bien demeurer debout parce que ceux qui veulent l’assaillir ne parviendront pas à s’entendre » (p. 215).

Le sujet, on le sait d’ailleurs, a des ramifications dans toutes les sciences : il touche à la physique et aux mathématiques presque autant qu’à la psychologie et à la physiologie. Je m’attacherai aujourd’hui à le traiter principalement sous les deux premiers points de vue. J’espère que le lecteur voudra bien me suivre dans cette partie de mon exposé, et qu’il ne déniera pas une certaine portée philosophique aux excursions que je devrai faire dans les sciences positives.


II. — Aperçu de l’ouvrage de Fechner.


Le livre que nous avons sous les yeux se distingue par une qualité incontestable : la sincérité. Les opinions des auteurs que Fechner examine et critique sont exposées avec vérité, et leurs arguments contre sa propre doctrine sont reproduits, en général, dans toute leur force. Les réponses portent presque toujours sur les points vraiment en discussion, et aucune difficulté un peu considérable n’est sciemment éludée ou passée sous silence. Enfin on y trouve un relevé complet des controverses et des travaux auxquels la nouvelle science a donné lieu. Je dois pourtant ajouter qu’aux yeux d’un lecteur français, cet ouvrage — comme les Éléments de psychophysique du même auteur — ne paraîtra pas irréprochable sous le rapport de la composition : la lecture n’en est ni agréable, ni facile, tant à cause de la longueur des phrases toutes hérissées d’incises, qu’à cause des renvois perpétuels à ce qui a été ou à ce qui va être dit ou encore à ce qui a été énoncé autre part. Mais ce n’est pas là un défaut bien grave pour les Allemands qui, doués en général de la plus grande patience, et pénétrés de respect pour les savants, se donnent la peine de fendre l’os pour en retirer la moelle.

Fechner débute par un court résumé de ses doctrines et de ses formules. Il définit la psychophysique la science exacte des rapports entre l’existence psychique et l’existence corporelle. Elle est exacte en oe sens seulement qu’elle repose sur l’observation, l’expérience et le calcul, car ses résultats sont loin d’atteindre le degré de certitude auquel on arrive en mécanique, en physique, en chimie, et même en physiologie (page 2). Poursuivant un but plus spécial — parce que telle est la base de tous les phénomènes de la vie intel-