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bibliographie.riccardi. Instinto.

de répéter : Cellule nerveuse, cellule nerveuse, pour découvrir la vérité en psychologie. L’auteur est de ceux qui abordent ces études sans aucune préparation spéciale et qui se croient investis par leurs titres de naturalistes d’une compétence philosophique bien supérieure à celle des philosophes de profession. Il ne doute de rien ; son style, chargé de citations disproportionnées, coupé de suspensions et de parenthèses par des tirets innombrables, est en harmonie avec l’économie générale d’un travail où, à propos de questions limitées comme celle de l’attention, d’énormes problèmes font irruption à chaque instant pour recevoir une solution sommaire, où la difficulté principale est la plupart du temps omise faute d’avoir été posée tout d’abord, où les idées d’autrui tiennent une telle place qu’on se demande après lecture quelle raison a eue l’auteur d’écrire sur le sujet. Le mieux fait et le plus intéressant de ces Mémoires est celui qui a pour titre l’Instinct. La doctrine en est résumée dans les propositions suivantes : 1° Entre l’instinct et l’intelligence, on ne peut tirer une ligne de séparation nette. 2° L’instinct n’est pas en raison inverse de l’intelligence. 3° L’instinct est variable, mais moins que l’intelligence. 4° L’instinct n’est dans ses formes supérieures ni aveugle ni automatique. 5° Il peut être considéré comme une forme inférieure d’intelligence et comme un trait d’union entre les diverses manifestations de la vie physique et de la vie psychique ( ?). 6° Son rôle est le même que celui de l’intelligence : il sert, comme elle, à la conservation et au perfectionnement de l’individu et de l’espèce. Ces solutions sont en majorité fort acceptables ; mais la manière dont elles sont prouvées laisse à notre jugement beaucoup à désirer, et quant au choix et à l’abondance des faits, et quant à la rigueur des arguments. Nous n’étions pas moins disposé à accueillir avec empressement une analyse des conditions physiologiques de l’attention ; nous nous attendions, avant d’ouvrir ces brochures, à une discussion, avec expériences à l’appui, des théories de Ferrier et de Maudsley : c’eût été un plaisir pour nous que d’exposer cette discussion à nos lecteurs. Au lieu de cela, nous trouvons une suite confuse de réflexions arbitraires et de citations disparates, qui échappent à l’analyse. S’il y a quelque part de jeunes philosophes qui, en présence des succès remportés par certains physiologistes dans le champ de la psychologie, regrettent d’avoir plus fréquenté les bibliothèques que les laboratoires et doutent de leur raison d’être en ce monde, nous leur recommandons la lecture de livres comme celui-ci : ils seront bientôt convaincus que si les sciences naturelles sont indispensables au psychologue, rien ne remplace, pour la connaissance de l’esprit, la culture philosophique proprement dite. Certes, cette culture, des physiologistes peuvent l’acquérir ; mais c’est au prix d’un travail au moins aussi long et aussi énergique que celui auquel des psychologues doivent se livrer pour entrer en possession des procédés d’investigation propres aux sciences biologiques.

A. Espinas.