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delbœuf. — la loi psychophysique

Mon rôle dans le procès est tout spécial, et Fechner en fait très-bien ressortir le caractère.

Voici ce que j’écrivais dans un passage de mon dernier article sur la question où je résumais les résultats de mon Étude psychophysique : « La loi de Fechner est insoutenable au point de vue mathématique. Elle entraîne des conséquences absurdes, et la manière dont elle est établie ne procure pas à l’esprit une idée bien nette de ce que peut être la quantité d’une sensation, ni comment, par conséquent, elle peut être représentée par un nombre, etc.[1] »

« On pourrait croire d’après ces lignes, dit Fechner (p. 27)[2] que leur auteur est l’un de mes adversaires les plus décidés. Néanmoins ses essais sont une confirmation très-satisfaisante de la loi de Weber ; il lui reconnaît à tout le moins une valeur approximative ; il a adopté plus tard une formule qui, dans son expression, coïncide avec la mienne, mais dont la signification est différente ; enfin dans la Revue philosophique il a pris à mon égard contre Hering en quelque sorte l’attitude d’un allié, sans abandonner toutefois ses anciennes critiques, et cela parce qu’il se sentait atteint aussi bien que moi par les arguments qui m’étaient opposés. »

Cette appréciation est assez juste ; je crois pourtant devoir la compléter. C’est en 1864 que j’ai eu connaissance des travaux de Fechner. Je fus tout d’abord séduit par la loi logarithmique, mais mon esprit ne fut pas complètement satisfait. Je crus devoir faire subir à cette loi des modifications qui à priori, c’est-à-dire en dehors même de toute expérience, étaient à mes yeux des corrections importantes et nécessaires, que l’expérience est venue justifier à posteriori. Ce fut l’objet d’un premier mémoire[3]. Plus tard, préoccupé de rechercher le sens réel de la loi logarithmique, je fus conduit à faire subir à l’une de mes formules une transformation en partie purement mathématique, et elle est redevenue semblable à l’une des formules qu’emploie Fechner, tout en ayant un sens essentiellement différent. J’appuyais ma nouvelle manière de voir sur mes propres expériences et sur des considérations théoriques très-générales. J’en fis le sujet d’un second mémoire[4].

J’avais lieu d’être satisfait de mes dernières équations. Toutefois je n’avais pas une foi bien robuste en leur légitimité. Je suis philosophe, il est vrai, mais je suis un peu physicien, et je ne me contente pas

  1. Revue phil, loc. cit., p. 241.
  2. Les renvois dans le corps de l’article se rapportent à l’ouvrage de Fechner.
  3. Étude psychophysique. Recherches théoriques et expérimentales sur la mesure des sensations et spécialement des sensations de lumière et de fatigue. (Bruxelles, 1873.
  4. Théorie générale de la sensibilité. — Bruxelles, 1876.