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ANALYSESherbert spencer. — Principes de biologie.

Il était du plus haut intérêt d’appliquer ces lois à l’espèce humaine en particulier. C’est ce qu’a fait M. Spencer dans les deux derniers chapitres de son ouvrage.

L’homme est l’être vivant où l’individuation est portée au plus haut point ; en fait, l’homme est le moins fécond des animaux. — La fécondité s’accroît avec la richesse de l’alimentation ; en fait, les races pauvres et mal nourries sont le moins prolifiques. Les Irlandais semblent faire exception ; mais, remarque M. Spencer, « une partie de cet accroissement rapide vient de ce que les mariages s’y font de bonne heure, et que par conséquent les générations s’y succèdent plus vite. » — Réciproquement, l’accroissement de la dépense abaisse le degré de la fécondité ; en fait, il en est ainsi pour l’espèce humaine, et en particulier chez les femmes ; les filles des classes élevées, où le travail mental est poussé à l’excès, sont relativement infécondes. Si l’on objecte que les races civilisées sont plus nombreuses que les autres, on fera remarquer que la civilisation diminue les forces destructives et augmente les moyens de subsister.

Que peut-on conclure de ces lois touchant la multiplication humaine dans l’avenir ?

D’une manière générale, le progrès de la vie est un progrès dans la correspondance mobilement équilibrée du dedans et du dehors ; à toute production de nouvelles forces dans le milieu doit correspondre l’apparition de nouvelles forces internes. Quel pourra être le progrès de la vie humaine ? Ce sera probablement un développement supérieur de l’intelligence et des sentiments. L’homme, en effet, vit et se développe dans un milieu civilisé. Or, si la civilisation fait décroître certaines forces destructives de l’espèce, elle est provoquée par un accroissement de la population. De là un danger, celui de manquer de nourriture, qui provoque « une nouvelle demande d’adresse, d’intelligence, d’empire sur soi-même, et implique par conséquent un exercice constant et un développement graduel de ces facultés. » Mais de ce progrès doit résulter un déclin de la fécondité humaine.

« Ce progrès à venir de la civilisation, résultat nécessaire de la pression incessante de la population, s’accompagnera d’une augmentation des frais de l’individuation, tant dans la structure que dans la fonction, et plus spécialement dans la structure et la fonction du système nerveux. La lutte pacifique pour l’existence dans les sociétés qui deviennent de plus en plus nombreuses et compliquées s’accompagne nécessairement d’un accroissement des grands centres nerveux, en masse, en complexité, en activité. L’accroissement de l’ensemble des émotions, source nécessaire de force pour les hommes qui ont à se maintenir au même niveau et à élever leur famille au niveau de la compétition toujours plus ardente de la vie sociale, se trouve, toutes choses égales, corrélatif à l’accroissement du cerveau. Les sentiments supérieurs que suppose le perfectionnement de l’empire sur soi-même sont corrélatifs d’un cerveau plus compliqué, comme le sont aussi les