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ditions semblables, et quelquefois très-rapprochées, des faunes tout à fait différentes ; et on rencontre des faunes très-voisines sur des surfaces très-éloignées les unes des autres et très-différentes par le sol et le climat. On doit en conclure que l’adaptation des organismes aux habitats n’est pas « manifestement prédéterminée ». On remarque en outre que des barrières infranchissables séparent les surfaces semblables peuplées par des formes dissemblables, et que les surfaces dissemblables peuplées de formes semblables sont en communication facile. D’où l’on conclut que c chaque espèce d’organismes tend toujours à étendre sa sphère d’existence, à envahir de nouvelles régions, de nouveaux milieux. » Mais, si elles descendent toutes de quelque forme primordiale, elles ont dû s’adapter à ces milieux nouveaux. — Outre cela, la paléontologie fait voir qu’il y a « une relation générale entre le temps écoulé et la divergence des formes organiques », que « cette divergence est comparativement lente et continue aux lieux où il y a continuité dans les formations géologiques, mais est secondaire et comparativement large, quand il se présente une grande brèche dans la succession des couches. ».

Telle est la façon large et rapide dont M. Spencer établit, pour la matière organisée, la thèse de l’évolution. En France, où le transformisme n’a pas conquis tous les savants et tous les philosophes, on regrettera que M. Spencer n’ait pas insisté davantage sur ce point capital. L’hypothèse de l’évolution, si bien qu’elle semble se plier aux exigences des faits, n’est pas sans soulever de graves objections. M. Paul Janet l’a montré récemment avec une force peu commune de dialectique[1]. Les lecteurs français des Principes de biologie eussent aimé à en voir la doctrine fondamentale mieux mise en état de défense. Nul ne pouvait mieux la fortifier que M. Spencer. S’il ne l’a pas fait, c’est qu’il écrit en anglais, et qu’en Angleterre le transformisme est aujourd’hui doctrine presque classique ; il lui a semblé sans aucun doute que les travaux de Darwin et de son école suffisaient amplement à la tâche, et il a réservé ses meilleurs efforts pour une œuvre plus originale et plus philosophique, la détermination de la cause de l’évolution organique.

Cette cause, bien entendu, n’est pas une cause première, mais une cause prochaine ; elle réside dans les principes premiers ; la déterminer, c’est donc faire voir comment les lois générales de l’évolution engendrent l’évolution organique.

Les facteurs de l’évolution organique sont externes et internes.

Facteurs externes. — Ce sont toutes les forces extérieures auxquelles les organismes sont soumis, et en premier lieu les faits astronomiques. Végétaux et animaux reçoivent de la lumière et de la chaleur ; la quantité en est déterminée par un rhythme complexe où entrent et se combinent des variations quotidiennes, des variations annuelles et les longues variations astronomiques. Par suite, aucun

  1. Les Causes Finales.