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lévêque. — l’atomisme grec et la métaphysique

quel il était. Thrasyllus affirme qu’il avait pris pour modèles les pythagoriciens ; et, en effet, il a lui-même cité Pythagore avec éloge dans le traité qui porte le nom de ce philosophe. On pourrait même croire, n’était la différence des temps, qu’il lui a dû toutes ses doctrines et a été son disciple. Du reste, Glaucus de Rhége, son contemporain, dit qu’il avait eu pour maître un pythagoricien ; Apollodore cite même nommément Philolaüs[1]. » On a beaucoup commenté ce texte. Mullach l’a discuté et pesé avec soin. Après en avoir écarté les assertions trop hasardées, et après avoir combiné les témoignages à peu près concordants de Glaucus de Rhége et d’Apollodore de Cyzique, il s’arrête à cette conclusion que Démocrite a connu intimement Philolaüs en Italie[2]. M. Ed. Zeller se garde d’être aussi décisif. Dans une de ces notes qui sont quelquefois de véritables Mémoires, il reprend tous les textes invoqués et rapprochés par Mullach et par d’autres, et il se borne à en déduire ceci : « que Démocrite pouvait bien sans doute s’être approprié l’allure mathématique de la philosophie pythagoricienne ; mais que sa doctrine n’a avec celle des pythagoriciens aucune parenté (seine Philosophie hat mit derjenigen der Pythagoreer keine Verwandtschaft[3]). Nous adoptons ce jugement, quelque réservé qu’il soit. Jointe à d’autres, cette première preuve des habitudes déductives de Démocrite acquerra de la portée.

Nous en trouvons une seconde preuve extrinsèque dans le catalogue des ouvrages de Démocrite qu’avait dressé Thrasyllus et que nous a conservé Diogène de Laërte. Thrasyllus avait rangé ces ouvrages, tous perdus aujourd’hui, en quatre classes[4]. Laissons de côté ceux qui se rapportaient à la morale, à la physique, à la musique et aux arts, et ne parlons que de ceux qui se rattachaient aux mathématiques. Ces derniers sont au nombre de douze. On les groupe diversement : parfois on en réunit deux en un seul ; mais on n’en conteste pas l’origine. Or, quatre ou cinq d’entre eux témoignent, par le titre qu’ils portaient et qui est tout ce qui en reste, que Démocrite avait poussé très-loin l’étude des problèmes et des théories mathématiques. Ainsi il y en avait un qui était intitulé : Περὶ ψαύσιος ϰύϰλου ϰαὶ σφαίρας : Sur la tengence du cercle et de la sphère. On lisait en tête d’un autre : Περὶ γεωμετρίης ἢ γεωμετριϰόν : Sur la géométrie ou Traité géométrique. Un troisième avait pour

  1. Diogène de Laërte, livre IX, 39, Démocrite : Ed. Tauchnitz. 149. Trad. fr. citée. T. II, p. 209.
  2. Mullach, ouvrage cité, p. 52.
  3. Die Philosophie der Griechen. 1re  partie, 4° édition, p. 764, en note.
  4. Diog. de Laërte, liv. IX, 43 : Tauchnilz, p. 752.