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tion du matérialisme l’ouvrage qui en est la négation la plus radicale[1]. Mais, d’un autre côté, le même Lange soutient avec raison que l’atomistique moderne procède de celle de Démocrite, et que celle-ci, à la bien comprendre, contient une part de vérité. En lisant ces jugements, on se demande involontairement si cet idéalisme à l’endroit de la matière, auquel mène l’atomistique en général, ne serait pas, au moins en germe, dans l’atomistique de Démocrite. On se rappelle que Démocrite a douté du témoignage des sens, tandis que, au contraire, il a accordé pleine confiance à la connaissance purement rationnelle. On éprouve enfin le besoin d’étudier avec une attention toute nouvelle, et en appelant à son aide les travaux les plus récents, la méthode dont Démocrite s’est servi, tantôt sciemment, tantôt sans s’en apercevoir, pour édifier son système. C’est sur ce point que nous allons essayer de concentrer les lumières recueillies jusqu’ici par les historiens du premier atomisme.

Il


À ne la considérer que par ses côtés extérieurs, la philosophie de Démocrite se présente clairement avec les caractères d’une doctrine construite au moyen de la méthode déductive. Assurément, il appartient" lui aussi à la classe de ceux qu’Aristote appelait:les physiciens. Cette classe comprend, à vrai dire, tous les philosophes de la période antésocratique, dont le trait commun est, selon l’expression de M. Ed. Zeller, le dogmatisme physique (physikalischer Dogmatismus). Mais ces physiciens, dans leur recherche de l’explication de la nature, se servaient un peu, très-peu de l’observation et de l’expérience ; ils employaient beaucoup, au contraire, le raisonnement. Après avoir posé quelques principes que leur avait suggéré le spectacle de certains phénomènes, ils en tiraient déductivement la série totale des existences. Démocrite a fait comme eux; mais il paraît l’avoir fait plus géométriquement encore, encore plus mathématiquement.

La première preuve extérieure qui nous en soit fournie par l’histoire, c’est qu’il a été regardé comme un imitateur, bien plus, comme un disciple du pythagorisme, la plus mathématique des philosophies. « Ses écrits — dit Diogène de Laërte — montrent assez

  1. Revue philosophique, octobre 1877, p. 480 —.L’Idéalisme de Lange, par D. Nolen. — V. même Revue, décembre 1877, p. 375 : Le Mécanisme de Lange, également par M. D.Nolen.