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bien que leur action réciproque nous soit inconnue. Dans l’impossibilité où l’on s’est trouvé jusqu’ici de faire sortir la vie de la matière, on a été jusqu’à les considérer comme aussi vieilles l’une que l’autre. Quelle que soit notre ignorance actuelle sur cette question, la production artificielle des cellules dites anorganiques permet d’espérer pour l’avenir quelques éclaircissements. — L’organologie ou minéralogie en est encore aux classifications logiques, et non à l’ordre causal et évolutif. — Du reste, la science des organismes n’est pas encore bien avancée elle-même dans cette seconde voie. On sait que les organismes complexes dérivent de plus simples, et que l’évolution des uns aux autres se fait par l’hérédité et l’adaptation. Mais la loi biogénétique de Haeckel n’est encore qu’une hypothèse. Et quant au système de subordination des organismes, que Haeckel a construit d’après le principe de la descendance, son auteur lui-même ne le donne que comme un premier essai. Le darwinisme n’en a pas moins triomphé définitivement du préjugé anthropocentrique, et complété par là l’œuvre de Copernic, qui n’avait réussi à nous affranchir que de l’illusion géocentrique. Mais comment a-t-on pu tirer du darwinisme des conclusions favorables au matérialisme ? Comment a-t-on pu oublier qu’aucune des lois de révolution n’est autre chose qu’une combinaison provisoire d’éléments obscurs, et qu’il faudrait être en état de ramener ces éléments aux lois du mouvement mécanique pour en avoir l’explication scientifique ? On oublie enfin qu’il y a toujours le même abîme entre le mouvement et la pensée. — La psychologie est la science formelle des lois générales qui président aux processus psychiques. Elle n’a pas encore réussi à faire dériver tous les faits qu’elle étudie d’un fait simple et général, comme la physique, par exemple, ramène les processus inorganiques à l’attraction et à la répulsion ; en un mot, on n’est pas encore parvenu à réduire les diverses facultés à une seule (bien qu’on puisse songer à en diminuer le nombre). Voilà pourquoi l’enchaînement logique des phénomènes, la classification y prend le pas sur l’enchaînement causal. — L’impossibilité de ramener les uns aux autres les faits physiques et les faits psychiques a donné naissance à une science mixte, la psycho-physique. Que la métaphysique du matérialisme, ou celle du spiritualisme, ou enfin la doctrine de l’identité absolue doive triompher à l’avenir, l’existence de la psycho-physique ne sera pas menacée pour cela. — La psychologie n’observe pas seulement les faits. Les phénomènes de conscience ont une valeur comme règles morales, logiques esthétiques. De là trois sciences nouvelles : l’éthique, la logique, l’esthétique. — Erdmann, laisse de côté l’examen des sciences historiques de l’esprit et termine son travail par des considérations sur le rôle de la métaphysique, qui rappellent la doctrine de Lange. Qu’on ne dise pas que la métaphysique va plus avant que la science et par d’autres méthodes dans la connaissance de la réalité. Ni par son objet, ni par sa méthode, elle ne diffère de la science expérimentale. Si elle cède davantage à l’hypothèse, c’est toujours l’induction qui lui sert de guide.