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herbert spencer. — études de sociologie

corps d’une organisation très-complexe : en France, par exemple, on y comptait cinq rangs, le chevaucheur, le poursuivant d’armes, le héraut d’armes, le roi d’armes, et le roi d’armes de France. Dans ces rangs l’initiation se faisait par une espèce de baptême où le vin remplaçait l’eau. Ces officiers tenaient à époques fixes leur chapitre dans l’église de Saint-Antoine. Quand ils portaient des ordres ou des messages, ils revêtaient le même costume que leurs maîtres, le roi ou les nobles, et ils recevaient à peu près les mêmes honneurs qu’eux de la part de ceux auprès de qui ils étaient députés : ils étaient donc revêtus d’une dignité déléguée semblable au caractère sacré que les prêtres possèdent par procuration. Le roi d’armes suprême et cinq autres grands officiers faisaient sur place des inspections pour maintenir la discipline, comme des supérieurs ecclésiastiques en faisaient de leur côté ; par d’autres côtés encore les fonctions de l’organisation héraldique ressemblaient aux fonctions sacerdotales. Des hérauts vérifiaient les titres de ceux qui aspiraient aux honneurs de la chevalerie, de même que les prêtres jugeaient de l’aptitude des postulants aux ordres de l’Église ; dans leurs tournées d’inspection, ils avaient la charge de « corriger les choses mauvaises et déshonnêtes », de donner des avis aux princes, fonctions analogues à ceux des prêtres. Non-seulement ils proclamaient les volontés des princes de la terre, comme les prêtres de toutes les religions annoncent celles des princes des cieux, mais ils étaient les glorificateurs des premiers comme les prêtres l’étaient des derniers : une partie de leur charge envers ceux qu’ils servaient, consistait « à publier leurs louanges es pays étrangers. » Aux obsèques des rois et des princes, où les observances en l’honneur du vivant touchaient de si près celles qui s’adressaient au mort, la parenté de la fonction héraldique et de la fonction sacerdotale éclatait encore ; en effet, le héraut déposait dans la tombe les insignes du rang du potentat défunt, ce qui était une manière de sacrifice, mais il devait en outre écrire ou faire écrire un panégyrique du mort, c’est-à-dire inaugurer ce culte du mort d’où sortent toutes les formes supérieures de culte.

Si l’appareil héraldique était moins savamment combiné en Angleterre, il ressemblait pourtant à celui de France. Les hérauts portaient des couronnes, des habits royaux et se servaient du pluriel nous. Jadis il y avait deux provinces héraldiques, et dans chacune un héraut suprême : on eût dit de deux diocèses. Un développement ultérieur de l’institution amena la création d’un roi d’armes de la Jarretière avec rois d’armes provinciaux placés au-dessus d’officiers héraldiques inférieurs ; enfin en 1483 ils furent tous incorporés dans le collège des hérauts. Comme en France, il y avait des tournées d’inspection de hérauts, pour vérifier les titres et les honneurs existants et pour