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ANALYSESjoly. — De l’Imagination, étude psychologique.

ses merveilles intérieures. Combien d’aspects intéressants, combien de puissances remarquables et en quelque sorte de prodiges à faire ressortir dans le rôle d’une faculté dont on disait déjà au xviie siècle, dans un siècle pourtant qui se défiait d’elle : « L’imagination est la source et la gardienne de nos plaisirs. Ce n’est qu’à elle qu’on doit l’agréable illusion des passions. Toujours d’intelligence avec le cœur, elle sait lui fournir toutes les erreurs dont il a besoin : elle a droit aussi sur le temps ; elle sait rappeler les plaisirs passés et nous fait jouir par avance de tous ceux que l’avenir nous promet ; elle nous donne de ces joies sérieuses qui ne font rire que l’esprit ; toute l’âme est en elle, et, dès qu’elle se refroidit, tous les charmes de la vie disparaissent. » (Madame de Lambert.) Quoi qu’il en soit, malgré ces lacunes, malgré l’obscurité relative de quelques passages où l’abondance des considérations abstraites produit quelque chose d’analogue à ce que les peintres appellent l’empâtement des couleurs, l’Étude sur l’imagination figurera dignement sur le rayon philosophique de la Bibliothèque des merveilles.

G. Compayré.

André Lefèvre : Études de linguistique et de philologie, 1 vol., E. Leroux, Paris, 1877.

Le livre de M. A. Lefèvre} est un recueil d’articles qui ont paru pour la plupart, depuis cinq ou six ans, dans les colonnes de la République française. Le but principal de l’auteur a été de mettre le public au courant de l’état et des progrès de la linguistique contemporaine, d’inspirer le goût des recherches philologiques et d’en vulgariser les résultats. Mais, plus hardi que les linguistes de profession, qui se confinent volontiers dans leur spécialité et négligent de rattacher leurs études aux grands problèmes de l’origine et de la nature de l’homme, M. Lefèvre a voulu, comme il le dit lui-même, « marquer les conséquences, tirer les conclusions » que contiennent les lois du langage, et en un mot « en dégager la philosophie ». Quelle est cette philosophie ? C’est ce que nous allons indiquer, sans songer à mener jusqu’au bout les discussions que soulèvent les idées parfois absolues de l’auteur.

Les découvertes les plus récentes de la science du langage ont mis hors de doute non-seulement les origines naturelles, mais la formation lente, l’insensible évolution des langues humaines. Et ce n’est pas seulement dans le développement du langage, une fois formé, qu’on peut distinguer diverses périodes, l’époque monosyllabique (le chinois), l’époque des langues à flexion (le sanscrit), l’époque de contraction (les langues romanes) : on pourrait remonter au delà de ces âges historiques, et par une induction légitime, au dire de M. Lefèvre, concevoir entre le cri et la parole différents degrés, différentes étapes. Dans ces préludes et ces tâtonnements du langage, on distinguerait trois