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ANALYSESacollas. — Philosophie de la science politique.

qu’il appelle la « spontanéité de l’imagination » ; essayant, pour mieux pénétrer les secrets de sa nature, de la saisir d’abord dans les cas où ses fonctions sont amplifiées, accrues, à peu près isolées des autres fonctions de l’âme, avant d’arriver aux états réguliers, normaux où l’imagination, au lieu d’être le principe presque unique ou la loi dominatrice des phénomènes, n’est qu’un élément accessoire et de moins en moins saisissable, perdu dans la masse des faits. Après avoir terminé en effet ce qu’on pourrait appeler la psychologie morbide de l’imagination, l’auteur, dans la dernière partie de son œuvre, passe des maladies, des formes extrêmes et monstrueuses de cette faculté, à l’examen de ses formes saines, adoucies et moyennes, lorsque, maîtrisée par l’esprit, elle n’agit plus que sous sa direction et reste simplement à sa place dans le concert et l’harmonie raisonnée des forces de l’âme. Le rôle de l’imagination dans les diverses branches de l’art, tel est le point culminant de la seconde moitié du livre. Et de la sorte, les derniers chapitres confinent à l’esthétique et même se confondent avec elle, comme les premiers touchaient à la médecine aliéniste.

Avouons-le, il eût été préférable peut-être que l’auteur, avant d’arriver à la pathologie de l’imagination, insistât plus qu’il ne l’a fait sur les parties élémentaires de son sujet. Un développement plus considérable du chapitre où sont étudiées « les différentes formes de l’image i et les lois « de la production des images », un chapitre sur les causes qui fixent l’image dans la conscience et sur celles qui la renouvellent et la font réapparaître dans la mémoire, un autre sur les rapports de l’imagination avec la pensée abstraite et en général avec les autres facultés de l’âme, un autre enfin sur les sens divers du mot imagination, n’était-ce pas, en y joignant quelques autres questions encore, l’introduction presque nécessaire que réclamait une étude complète et méthodique ? Nous reconnaissons d’ailleurs volontiers les avantages d’une méthode qui nous conduit des divagations et des écarts de l’imagination fatale, livrée à elle-même, aux mouvements d’une imagination réglée, dont la raison et la volonté gouvernent l’action. C’est, comme le dit fort bien M. Joly, « regarder sous un verre grossissant » la faculté qu’on veut connaître. S’inspirant des principes de la psychologie nouvelle, M. Joly pense que « la pathologie rend à la physiologie autant de services qu’elle en reçoit, et que les monstruosités nous servent à faire mieux saisir la composition, la structure, les proportions naturelles des organes. » Il procède ainsi comme le physiologiste qui cherche dans les perturbations et les troubles des organes un surcroît de lumière sur le jeu régulier des fonctions du corps, ou encore comme le naturaliste qui, ayant à nous décrire les instincts d’une espèce apprivoisée, du chat domestique par exemple, commencerait par étudier les types sauvages et les caractères plus accentués de la race féline primitive.

M. Joly s’est attaché à bien dégager dans les névroses extraordinaires, telles que le somnambulisme naturel ou artificiel, et dans les