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que, tandis que les différentes parties de l’organisme animal ne sont pas des volontés et n’ont pas de personnalité, le prétendu organisme social, au contraire, n’existe que par le consentement des unités, c’est-à-dire des personnalités qui le composent. »

Je cite textuellement ces passages, parce que l’extrême vivacité de la critique montre d’autant mieux à quel point l’auteur se sépare des écoles dont une étiquette malencontreuse eût pu le faire prendre pour un disciple. On a là en même temps un bon échantillon de sa manière. Il écrit de verve, on pourrait même dire parfois ab irato, d’une plume acérée, sans ménagement pour les personnes. Il ne craint pas de frapper fort ni de blesser les susceptibilités. La plupart des écrivains qu’il rencontre sur son passage sont fort maltraités, quelques-uns beaucoup plus mal que de raison, et d’une main singulièrement rude. Peu de souci des nuances ; l’auteur dédaigne les précautions et s’embarrasse peu des formes ordinaires d’une polémique courtoise. — Mais avec cela ses critiques sont la plupart du temps solides ; ses traits portent juste ; il n’est pas rare qu’il ait raison au fond, tout en se donnant des torts dans la forme. Toujours est-il que, moitié par le bien fondé de ses griefs, moitié par la verdeur du langage, il se fait lire. Son livre est entraînant et instructif.

La composition en est pourtant assez défectueuse, il faut bien le dire, puisque nous parlons de la forme. Ce gros volume manque d’unité. S’il es très-commode à consulter, grâce à d’excellentes tables ; si, d’autre part, l’unité d’inspiration y est évidente, il n’est pas moins vrai qu’il semble un peu fait de pièces et de morceaux. La partie dogmatique, c’est-à-dire la « philosophie de la science politique », véritable objet de l’ouvrage, n’y occupe pas plus de 100 pages ; tandis que plus de 220 sont consacrées à un « Commentaire de la Déclaration des droits de l’homme de 1793 », c’est-à-dire à l’examen critique d’un document historique, capital il est vrai. Quant aux « éclaircissements et notes »,. dont l’auteur a bien l’ait de ne pas encombrer son texte, ils remplissent 120 pages et non des moins intéressantes, car elles sont pleines de citations curieuses et surtout de vive polémique contre nombre de contemporains célèbres. Ce n’est pas tout encore : un Appendice nous offre le texte de la Constitution élaborée par la Convention (juin 1793) et d’autres pièces historiques se rattachant à la même époque. Tout cela ensemble, sans parler d’un a Discours préliminaire » que j omettais, fait assurément un livre plein, abondant en détails piquants et en matériaux utiles ; mais cela ne forme pas cependant, on en conviendra, un vrai tout organique.

L’Avant-propos et l’Épilogue nous font saisir au vif l’esprit général, l’idée maîtresse de l’ouvrage. Au fond, malgré la hardiesse du ton, malgré l’allure militante de certaines professions de foi imprévues ici, peu nécessaires peut-être, la pensée de notre auteur est fort sage, je dirais presque très-orthodoxe. Rien de plus conforme en effet aux principes classiques de la morale kantienne, que ce « droit d’autonomie de la personne humaine », que M. Acollas donne pour fondement à