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prêtre dirige les adorateurs du dieu. Les relations analogues au Japon étaient, jusqu’à ces derniers temps, tout aussi marquées. Les voyageurs ne nous avaient pas laissé ignorer le caractère sacré du Mikado, et sa divine inaccessibilité ; mais la confusion entre le divin et l’humain allait encore beaucoup plus loin, jusqu’à un point qu’on aurait peine à croire si les témoins ne nous l’attestaient de divers côtés. « Les Japonais, dit Dikson, sont généralement pénétrés de l’idée que leur pays est réellement la terre des êtres spirituels ou le royaume des esprits. Ils pensent que l’empereur est le maître de tout, et qu’entre autres puissances subordonnées, il a sous sa domination les esprits du pays. Il est le maître des hommes, il est pour eux la source des honneurs, et non pas seulement des honneurs en ce monde, mais aussi dans l’autre, où l’on avance d’un rang à l’autre par les ordres de l’empereur. » Mitford nous apprend qu’ « à l’époque de la puissance du Siogoun, le Mikado demeurait la source des honneurs et qu’en qualité de chef de la religion nationale et de descendant direct des dieux, il décernait des honneurs divins. Pas plus loin qu’en 1870, un décret du Mikado parut dans la Gazette du gouvernement, qui conférait les honneurs divins posthumes à un ancêtre du prince de Kiousiou. » Nous apprenons ensuite que sous l’autorité des ministres japonais, un des huit conseils d’administration, le Ti bu chio, « s’occupe des formalités de société, des manières, de l’étiquette, du culte, des cérémonies à l’égard des vivants et des morts ; etc. » Il y a donc un centre régulatif suprême qui est commun à la propitiation des personnes vivantes et à celle des personnes mortes.

Les peuples occidentaux, chez lesquels, durant l’ère chrétienne, la différenciation entre le divin et l’humain était devenue très-prononcée, ne nous offrent pas d’une façon aussi nette le rapport d’homologie qui unit l’organisation cérémonielle et l’organisation ecclésiastique. On peut, cependant, ou plutôt l’on pouvait autrefois, la reconnaître parfaitement. Du temps de la féodalité, outre les grands chambellans, les grands maîtres des cérémonies, les huissiers, etc., des cours des rois, et les officiers qui remplissaient des fonctions analogues dans les maisons des chefs subordonnés et des nobles, et dont la charge était de diriger les observances propitiatoires, il y avait une classe de fonctionnaires qu’on appelait les hérauts. Ils ressemblaient par bien des points à un clergé. Scott a fait une remarque profonde : il a vu que « l’union entre la chevalerie et la religion était si intime que l’on regardait les divers degrés de la hiérarchie de la première comme véritablement analogues à ceux de la hiérarchie de l’Église. » J’ajoute que les officiers dont les fonctions se rattachaient à l’institution de la chevalerie, formaient un