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action de force consiste en une victoire sur une résistance. S’il n’y avait qu’une force dans l’univers, elle resterait nécessairement inactive. De plus, cette action des forces se manifeste uniquement par une différence de distance entre deux objets. Le repos est simplement l’effet d’une égale réaction. C’est par la perception du changement dans la distance que se forme en nous l’intuition du mouvement. Tout mouvement consiste dans le rapprochement ou l’éloignement. Tous les phénomènes, dans l’ordre physique, se ramènent à des phénomènes d’attraction ou de répulsion. L’attraction n’est autre chose elle-même qu’une concentration d’atomes, et la répulsion n’est qu’une extension. Les atomes sont indifférents aux modifications de formes dont ils sont les éléments. Toute production, dans le développement du monde, est une combinaison d’atomes, toute destruction une séparation d’atomes. L’atome simple peut être ainsi considéré comme un agent qui produit tous les phénomènes ; l’espace et le temps sont des formes de notre conscience, subordonnées elles-mêmes à l’existence et au mouvement des atomes, bien qu’ils ne soient ni étendus ni dans le temps. Ils peuvent en effet précéder le temps ou lui survivre, dans l’hypothèse d’un repos universel, et ils sont trop petits pour avoir des dimensions.

Mais cette science de la nature, dont les seuls concepts sont ceux de l’espace et du temps, des atomes et de leurs combinaisons, des corps et des masses, du mouvement et du repos, des forces et de leurs actions diverses, qui ramène tout phénomène à des rapports d’étendue, à des mouvements dans l’étendue, pour laquelle tout phénomène est une fonction, est hypothétique par cela même qu’elle est obligée de supposer les atomes, et subjective dès que l’espace et le temps n’ont qu’une valeur subjective. Elle ne sait rien du processus intérieur des choses, et il y a tout un domaine de la réalité qu’elle est incapable d’expliquer. C’est celui des mouvements psychiques où se révèle une sorte toute nouvelle de forces, entièrement différentes des forces matérielles. Le mouvement des êtres conscients, qui résulte des idées, est en effet unilatéral, l’idée ne se distinguant pas du sujet sur lequel elle agit, n’ayant aucune réalité hors de lui, n’étant pas placé, à côté de lui comme un corps à côté d’un autre corps. On ne saurait parler ici de la masse, ni d’aucun des concepts qui sont les composantes de l’idée ordinaire de force. Il serait plus facile de ramener le mouvement mécanique au mouvement psychique que d’expliquer celui-ci par celui-là, et c’est la tendance de la physique moderne. Mais, à moins de se changer en métaphysique, cette science ne peut s’élever jusqu’à la conception d’une cause transcendante de toute réalité, d’un principe unique de l’univers tout entier.

Nous avons été obligés de supposer comme fondement des diverses modifications de notre conscience, de nos sensations et de nos intuitions une pluralité de causes objectives agissant à côté et hors de nous. De ces facteurs objectifs, extérieurs, que savons-nous, sinon