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deux hommes, la zagaie ou la lance à la main, courent en tête du palanquin d’un chef, et crient très-fort son nom. » En avant d’un ambassadeur au Japon, « marchaient d’abord quatre hommes armés de balais comme ceux qui précèdent le train d’un grand seigneur, pour avertir les gens en criant : attention, attention ! c’est-à-dire, asseyez-vous, ou prosternez-vous ; » et en Chine un magistrat en tournée se fait précéder par des hommes qui portent des « écriteaux rouges où sont peints le rang et le nom de l’officier, et qui courent en criant aux passants qu’ils trouvent dans les rues : place, place ! silence ! Viennent ensuite des gens qui frappent sur des gongs et font connaître de temps en temps par un nombre déterminé de coups le grade et la fonction de leur maître. »

Il existe une autre analogie entre l’officier qui proclame la volonté du roi et l’officier qui proclame celle de la divinité, entre l’interprète qui porte au roi les demandes et rapporte sa réponse, et le prêtre qui porte les pétitions ou les questions des adorateurs et explique la réponse de l’oracle. En beaucoup de pays où. le pouvoir royal est absolu, le monarque est invisible et l’on ne peut communiquer avec lui : le chef vivant, simule par là le chef mort ou divin, et a besoin des mêmes intermédiaires. Il en était ainsi dans l’ancien Mexique. On dit de Montézuma II que « nul homme du peuple ne devait le voir en face, et que celui qui par hasard le voyait, était puni de mort ; » on ajoute qu’il ne communiquait avec personne que par l’entremise d’un interprète. Au Nicaragua, les caciques « se tenaient séparés du reste des hommes, au point qu’ils ne recevaient de message des autres chefs que par l’intermédiaire d’officiers délégués pour cet office. » Il en était de même au Pérou, où certains chefs « avaient coutume de ne se laisser voir de leurs sujets qu’en de rares occasions. » À sa première entrevue avec les Espagnols, ce Atalhualpa ne fit aucune réponse, et ne leva pas même les yeux pour regarder le capitaine Fernand de Soto. » Mais un chef répondit au capitaine. Chez les Chibchas, « le premier officier de la cour était le crieur, parce que, disait-on, il était l’intermédiaire par lequel la volonté du prince se faisait connaître. Dans toute l’Afrique de nos jours, des coutumes analogues ont créé des organes analogues. Speke nous dit que « dans la conversation avec le roi d’Uganda, il fallait toujours que les paroles passassent par un ou plusieurs de ses officiers. » Chez les Nègres de l’Intérieur, « il est absolument au-dessous de la dignité d’un Attah de répondre du haut de son trône, excepté par sa bouche, c’est-à-dire son premier ministre. » Au Dahomey, « le souverain adresse ses paroles au Meu, qui en informe l’interprète, qui les transmet au visiteur, et il faut que la réponse repasse par les mêmes voies. » On nous apprend qu’en Abyssinie,