Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/310

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
300
revue philosophique

de sa nation. Il en était de même des Hébreux. Nous n’avons qu’a nous souvenir de l’interdit porté contre les marques en l’honneur des morts, pour voir le sens de ces mots du Deutéronome : « Ils se sont corrompus ; la marque n’est point la marque de ses enfants ; ils sont une génération perverse et dévoyée. » Les marques qui sont mises ici en opposition avec celles de Dieu étaient considérées, à une époque plus avancée, comme le signe de l’adoration de dieux différents ; ce qui le prouve, ce sont des passages de l’Apocalypse, où l’on voit un ange ordonner un délai « jusqu’à ce que nous ayons scellé les serviteurs de notre Dieu au front », et où l’on parle de « cent quarante-quatre mille, ayant le nom du Père écrit sur le front, » qui se tiennent debout sur la montagne de Sion, tandis qu’un ange proclame que, « si quelqu’un adore la bête et son image, et s’il en prend la marque au front ou à la main, celui-là boira le vin de la colère de Dieu. » Jusqu’à nos jours, en Orient, ces marques ont conservé même sens. Thompson, après avoir décrit la méthode du tatouage, dit : « Cet usage de marquer les signes religieux sur les mains et les bras est à peu près universel chez les Arabes de toutes les sectes et de toutes les classes. Les pèlerins chrétiens de Jérusalem se soumettaient dans cette ville à cette opération, parce que c’était le lieu le plus saint de leur religion. » Un passage de Kalisch est encore plus précis. « Les chrétiens, dit-il, dans certaines parties de l’Orient, et les navigateurs européens, avaient depuis longtemps l’habitude de marquer par des piqûres et une couleur noire leurs bras et d’autres membres de leur corps, avec le signe de la croix ou l’image de la Vierge ; les mahométans y impriment le nom d’Allah. » De sorte que jusqu’à nos jours, chez les races avancées, ces mutilations de la peau ont sens semblable à celui qu’on leur donnait ouvertement dans l’ancien Mexique, où, quand on consacrait un enfant à Quetzalcohuatl, « le prêtre lui faisait sur la poitrine une petite incision avec un couteau ; » c’était le signe qu’il appartenait au culte et au service du dieu ; et semblable aussi au sens que leur donnent ouvertement les nègres d’Angola : en beaucoup d’endroits de ce pays, chaque enfant n’est pas plus tôt né qu’on le tatoue sur le ventre, afin de le consacrer par cette cérémonie à un certain fétiche.

Nous devons rapporter encore des faits d’une grande signification. Nous avons vu que, lorsque les cheveux coupés sont un signe de servitude, les cheveux longs deviennent un signe de distinction honorable ; que, lorsque la barbe rasée est un signe de subordination, la barbe longue est un signe de suprématie, et que, lorsque la circoncision est associée à l’idée d’assujettissement, on ne l’observe point chez les personnes en possession du pouvoir souverain. Nous avons