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ments, que les Égyptiens pratiquaient cette opération depuis les temps les plus reculés, et, lors même que nous Saurions pas lieu de croire qu’elle était d’un usage général chez les peuples arabes, il nous suffit de savoir que la pratique de la circoncision n’est point exclusivement le fait d’un pays ou d’une race, pour mettre de côté l’explication que les théologiens nous en donnent. Ils se débarrassent assez aisément eux-mêmes d’une autre interprétation qu’on donne assez fréquemment ; en effet, l’examen des faits prouve que si cet usage ne règne pas chez les races les plus propres du monde, il est commun chez les plus sales. Au contraire, les faits pris en masse s’accordent avec la théorie générale, à laquelle ils servent de vérification.

On a vu que chez les Abyssiniens, jusqu’à l’époque la plus récente, chaque guerrier présente à son chef le trophée pris, au moyen de la circoncision, sur le corps d’un ennemi mort, et que tous ces trophées, pris après la bataille, sont en définitive offerts au roi. Si l’on réduit en esclavage l’ennemi vaincu au lieu de le tuer, et si les guerriers qui l’ont vaincu ne laissent pas pour cela d’offrir à leur chef les preuves de leur vaillance, la pratique de circoncire les prisonniers vivants prendra naissance et servira à leur infliger la marque de la subjugation. On aperçoit une autre conséquence. Puisque c’est un moyen de gagner la faveur du chef et du roi que de leur apporter ces trophées pris sur des ennemis, et que, d’après les croyances primitives, tout ce qui charmait l’homme vivant fait encore plaisir à l’homme mort, on se mettra à offrir ce genre de trophées à l’esprit du souverain décédé. Puis, que dans une société militaire gouvernée par un despote absolu, dieu par son origine et par sa nature propre, ce despote, propriétaire de la totalité de la population, exige qu’elle porte cette marque de servitude ; qu’après sa mort, son esprit redouté réclame impérieusement des sacrifices propitiatoires ; on peut prévoir qu’alors l’usage d’offrir au roi ce genre de trophées pris sur les ennemis réduits en esclavage se transformera en un autre usage, celui d’offrir au dieu les mêmes trophées pris sur chaque génération de citoyens mâles, comme un moyen de reconnaître le lien d’esclavage qui les unit au dieu. Aussi, lorsque Movers nous apprend que la circoncision était chez les Phéniciens « un signe de consécration à Saturne », et que nous avons la preuve que de toute antiquité les naturels de San-Salvador pratiquaient la circoncision « à la façon des Juifs, offrant le sang à une idole, » nous voyons que nos prévisions concordent avec la réalité.

Il y a une preuve certaine que cette interprétation s’applique à la coutume telle que la Bible nous la fait connaître. Nous avons déjà