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herbert spencer. — études de sociologie

croit que ces cheveux appartiennent à celui qui les porte et non au chef. Nous pouvons encore ajouter que, selon Williams, les Tartares conquérants de la Chine prescrivirent aux Chinois « d’adopter la mode nationale des Tartares, qui consiste à se raser le devant de la tête et à tresser les cheveux en une longue queue, en signe de soumission. » Un autre fait qu’il faut rapporter se joint à ceux-ci pour faire comprendre qu’un homme vaincu, non mis à mort, mais conservé à titre d’esclave, pouvait garder sa chevelure par tolérance ; l’idée reçue veut que le vainqueur conserve le droit de la demander en tout temps.

Quoi qu’il en soit, la coutume générale de prendre la chevelure des ennemis tués, avec ou sans une partie de la peau du crâne, a presque partout donné naissance à l’association de l’idée des cheveux courts avec celle d’esclavage. Cette association existait également chez les Grecs et les Romains : « on coupait ras les cheveux des esclaves comme signe de servitude. » Nous la retrouvons partout en Amérique. « Au point de vue social, l’esclave est méprisé, il porte les cheveux courts, » dit Bancroft en nous parlant des Noutkas. « On refusait rigoureusement, dit Edwards, aux prisonniers et aux esclaves caraïbes, le privilège de porter de longs cheveux. On réservait la même marque à l’esclavage imposé comme châtiment d’un crime. Au Nicaragua, on coupait les cheveux au voleur, et on le faisait esclave du volé jusqu’à ce que celui-ci ait reçu satisfaction. » On infligeait d’ailleurs cette marque d’esclavage comme châtiment. Chez les naturels de l’Amérique centrale, quand un individu était soupçonné d’adultère, « on le dépouillait de ses habits et on lui coupait les cheveux (grand malheur pour lui). » C’était chez les anciens Mexicains une peine légale que d’avoir les cheveux coupés en un lieu public. Enfin, au moyen âge, en Europe, on infligeait la tonsure comme un châtiment. Cet usage donna lieu naturellement à une distinction corrélative : les longs cheveux devinrent une marque d’honneur. Chez les Chibchas, le plus grand affront qu’on pût faire à un homme ou à une femme, c’était de leur couper les cheveux, parce que cela les faisait ressembler à des esclaves ; par suite, une longue chevelure devenait une marque honorable. « Les Indiens Itzaex, dit Fancourt, portaient leurs cheveux aussi longs qu’ils pouvaient pousser ; il n’y a rien de plus difficile que d’amener les Indiens à se couper les cheveux. » Chez les Tongans, les cheveux longs sont une marque de distinction, et nul n’a le droit d’en porter que les gens du premier rang. Il en est de même chez les naturels de la Nouvelle-Calédonie et chez divers autres peuples non civilisés, comme aussi chez les orientaux à demi civilisés : « Les princes ottomans se rasent la barbe pour montrer