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ÉTUDES DE SOCIOLOGIE[1]




III

LES MUTILATIONS.

D’après Burton, l’antique cérémonie de l’investiture en Écosse se terminait de la manière suivante : « Il (l’avoué du supérieur) se courbait, ramassait une pierre et une poignée de terre, les remettait à l’avoué du vassal, lui conférant par cette formalité la possession réelle, effective et matérielle du fief. » Chez un peuple peu civilisé très-éloigné de l’Écosse, on retrouve une formalité analogue. Le Phond, quand il vend son coin de terre, invoque la divinité du village et l’appelle en témoignage de la vente, « puis il remet une poignée de terre de son fonds à l’acheteur. » Des exemples où nous voyons exprimer le transfert du sol par cette formalité, nous pouvons passer à ceux où l’on emploie une formalité analogue pour céder le sol en signe de soumission politique. Lorsque les Athéniens demandèrent du secours aux Perses contre les Spartiates, après l’attaque de Cléomènes, on exigea d’eux en retour de la protection qu’ils invoquaient un aveu de soumission, et cet aveu eut pour expression un envoi de terre et d’eau. Aux îles Fidji, un acte analogue a une signification analogue. « Le soro, avec un panier rempli de terre… est généralement un attribut de guerre. Le parti le plus faible le présente, pour signifier qu’il cède ses terres aux vainqueurs. » De même dans l’Inde : « Lorsque, il y a dix ans, Tu-ouen-hsin envoya en Angleterre sa mission « Pauthay », les membres qui la composaient apportèrent avec eux des morceaux de pierre arrachés aux quatre coins de la montagne (Tali), ce qui était l’expression la plus formelle de son désir de devenir feudataire de la couronne britannique. »

On peut dire que cet acte qui consiste à donner une partie au

  1. Voir les deux numéros précédents de la Revue philosophique.