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mantegazza. — transformation des forges psychiques

cles, soit que, s’élevant d’un degré, elles réveillent les instincts ou les passions nutritives, comme dit Letourneau, soit enfin qu’elles fassent renaître, dans les sphères plus élevées de l’affection (affetto), les sentiments de première, de seconde ou de ne induction.

La transformation de la sensation en sentiment échappe souvent à notre observation, parce que beaucoup d’énergies centrifuges naissent de nos sensations internes. C’est de la glande spermatique et de l’ovaire que partent toutes ces sensations qui conduisent à l’amour et à la jalousie, comme c’est de l’estomac et plus encore de ses nerfs que partent ces sensations qui portent aux colossales énergies de la faim[1]. Mutilez l’organe sexuel ou supprimez la conductibilité de certains nerfs, et vous ferez taire l’amour et la faim. Beaucoup de transformations nous échappent aussi, parce que les effets produits par une même sensation sont multiples et divers au point de donner au premier coup d’œil un véritable vertige. Les pôles des énergies centrifuges sont aussi lointains que le sont les deux faits suivants : J’ai soif, je vois de l’eau, je bois et je suis satisfait. — Appelé devant la justice, je témoigne la vérité, malgré le péril, et je suis heureux de le faire.

Une sensation étant donnée, selon la quantité de la sensation, selon le degré de sensibilité du centre qui l’éprouve et l’énergie dont il dispose pour transformer les phénomènes sensibles, de petits ou de grands effets peuvent s’ensuivre. Il est naturel qu’une femme peu ou point séduisante n’excite que peu de sympathie, qu’une autre médiocrement belle excite un désir médiocre, et qu’une autre souverainement belle excite un amour ardent ; mais, la femme restant la même, un degré différent de chasteté, qui modifie l’énergie des centres transformateurs, peut changer considérablement les effets d’une même sensation.

La nature de la transformation dérive ensuite des qualités diverses de la sensation, qui ont, chacune, un territoire central propre dans lequel elles s’irradient. Ainsi vous voyez les sensations tactiles se transformer en énergies musculaires ou amoureuses, le goût donner lieu à des énergies gastronomiques, l’ouïe se changer en mouvements rhythmiques et en sentiments bienveillants, tandis que la vue, qui a un rapport plus direct avec les régions de la pensée, transforme les sensations qui lui sont propres en énergies esthétiques ou en d’autres énergies d’ordre supérieur. Si ensuite vous voulez voir quelle influence considérable les divers caractères des cerveaux exercent

  1. Ce fait est vrai en grande partie même après les belles expériences de Schiff sur l’origine générale de la sensation de la faim.