Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
235
correspondance

cette chasse fantastique, courir après une fonction localisée dans une circonvolution cérébrale[1]. »

10° J’ai critiqué à tort l’expression consacrée de sensibilité inconsciente ; elle est « précise », bien qu’elle soit « imparfaite », donc excellente et préférable à irritabilité inconsciente, qu’on pourrait proposer à la place, parce que irritabilité se dit aussi des muscles, des glandes, etc. ; mieux vaut pour les nerfs un terme spécial. — Réponse : Irritabilité inconsciente ne serait pas vague, car l’épithète précise le substantif ; la conscience, ne pouvant accompagner une autre irritabilité que celle des nerfs, ne peut être niée que de celle-là seule ; l’équivoque serait donc impossible. Du reste, je ne prétends pas défendre autrement une expression que je n’avais pas proposée.

J’avais dit seulement ceci (p. 200) : « Sensibilité inconsciente constitue, à parler rigoureusement, un non-sens formel : sentir est un terme psychologique ; l’adjectif inconscient signifie que ce sentir-là est hors de la conscience, c’est-à-dire hors du domaine de la psychologie. L’accouplement de ces deux mots signifie seulement que, par analogie, on croit devoir supposer, dans certains cas où l’observation intérieure ne donne pas de sensation, l’x anatomo-physiologique que l’on suppose toujours quand l’observation intérieure donne des sensations. » En quoi les remarques de M. Richet et les « vérités élémentaires » qu’il rappelle à ce propos (élémentaires en effet, car elles datent de Leibniz) infirment-elles l’observation que je viens de transcrire ?

L’expression sensibilité inconsciente est claire, parce qu’elle a un sens consacré, mais pour, cette seule raison ; et, en général, toute expression qui a un sens consacré est claire pour tous ceux à qui l’on a dit ce sens et qui ne l’ont pas oublié, je dirais volontiers pour tous ceux qui ont le mot. Mais ne peut-on demander au langage scientifique d’autres qualités ? Ne doit-on pas préférer à un mot dont le sens est purement conventionnel un mot qui s’explique lui-même par l’analogie, à un mot consacré un mot bien fait ? Physiologie est un terme clair, bien que mal fait ; on préfère aujourd’hui biologie, terme bien fait, et l’on a raison. Sensibilité inconsciente est une expression claire, si l’on en sait le sens, obscure, car elle est contradictoire, si l’on ignore ce sens et si on le cherche, une source d’erreurs, si, connaissant le sens, on cherche à le vérifier par l’analyse des termes dont l’expression est composée.

11° Phosphorescence nerveuse n’aurait pas dû m’étonner. Il est vrai que c’est une « métaphore », une « comparaison », une « image », mais qui exprime une analogie réelle. Pourquoi ai-je « supposé que M. Luys y attachait une exactitude mathématique » ? — Réponse : Je suis innocent de cette supposition téméraire, car toutes mes critiques contre le vocabulaire de M. Luys consistent à dire qu’il se complaît dans l’inexactitude et qu’il se contente d’analogies vagues. — Si nous prenons l’expression pour ce qu’elle est, une métaphore, a-t-elle la justesse

  1. Révue Scientifique, 20 janvier 1877.