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relie. Il suffit de songer à une mère qui embrasse son enfant pour se rappeler que la force de l’étreinte est la mesure de la force du sentiment, à moins que la mère ne se retienne de peur de faire du mal à l’enfant ; et, tout en se rappelant que le sentiment se donne ainsi carrière naturellement en des actions musculaires, on peut reconnaître encore que ces actions ont aussi pour résultat de donner satisfaction à ce sentiment en faisant éprouver une impression vive de possession. Avons-nous besoin d’ajouter que chez les adultes, les sentiments voisins de celui-ci donnent lieu à des actes analogues ? Mais ce n’est pas tant de ces faits que de ceux qui en dérivent, que nous avons à nous occuper ici. Nous y trouvons une des origines d’une cérémonie : un embrassement, par là même qu’il exprime l’inclination, sert d’acte de propitiation dans des circonstances où il n’est point effacé par les observances imposées par l’assujettissement. Nous le rencontrons aux endroits où la subordination gouvernementale n’est que faiblement développée. Lewis et Glarke nous racontent qu’ayant rencontré quelques Indiens Serpents, « trois hommes sautèrent aussitôt à bas de leurs chevaux, s’approchèrent du capitaine Lewis et l’embrassèrent avec beaucoup de cordialité. » Un Comanche, nous dit Marcy, « me prit dans ses bras musculeux tandis que nous étions encore en selle, et appuyant sa tête graisseuse sur mon épaule, m’infligea une pression aussi forte qu’aurait pu le faire un ours, et. je l’endurais avec la patience et le courage que la circonstance commandait. » Snow nous dit aussi que chez les Fuégiens « la manière de saluer les amis n’a rien d’agréable. Les hommes venaient, ajoute-t-il, me serrer dans leurs bras avec autant de force qu’un ours. »

Le sentiment qui se décharge en des actions musculaires dirigées vers un but comme dans les cas précédents, se donne carrière aussi en des actions musculaires sans but. Les changements qui en résultent sont d’ordinaire rythmiques. Tout mouvement considérable d’un membre le met dans une position où un mouvement en sens contraire est facile ; et parce que les muscles qui produisent le mouvement en sens contraire, se trouvent alors dans la meilleure position pour se contracter, et aussi parce qu’ils se sont un peu reposés. C’est pour cela qu’il est naturel de frapper les mains l’une contre l’autre ou contre d’autres parties. D’une part, ce geste est une manifestation spontanée de plaisir chez les enfants ; et d’autre part, il est le point de départ d’une cérémonie chez le sauvage. Au Loango, un battement de mains constitue « la plus haute marque de respect, » et il a la même signification chez les* Nègres de la Côte, les Africains orientaux et les naturels du Dahomey. Entre autres actes destinés à souhaiter la bienvenue, les gens de Batoka « font claquer leurs