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analyses. — mouchot. La réforme cartésienne

former peu à peu les équations les plus compliquées et résoudre ainsi les difficultés en allant du plus simple au plus compose, voilà tout le secret de la méthode. Eh bien, cette méthode n’est autre que la méthode générale qu’a suivie Descartes dans toute sa philosophie. Pour le faire sentir M. Mouchot résume en ces termes le traité du Monde :

« Le point de vue sous lequel j’essaie de présenter la géométrie cartésienne éveillera, je l’espère, l’attention des savants. C’est d’ailleurs celui qui paraît le plus naturel après un examen attentif de l’ouvrage. Je dirai mieux, c’est peut-être le seul qui se concilie d’une manière satisfaisante avec l’unité de plan du grand novateur, et qui permette de retrouver dans la première application de sa méthode, la hardiesse et l’originalité de ses autres essais. Veut-on s’en assurer dès maintenant ? Il suffit de parcourir l’un quelconque des ouvrages de Descartes, le traité posthume du Monde et de la lumière par exemple, et d’y comparer la marche de l’auteur à celle que je viens de signaler dans sa géométrie.

S’agit-il, en effet, de découvrir les lois du monde physique ? Descartes fuit en quelque sorte loin de la réalité pour arriver à la création d’un nouvel univers. Il se représente l’espace comme un tout rempli de particules juxtaposées, laissant place dans leurs intervalles à d’autres particules plus subtiles encore. Puis il constate l’inertie de la matière et la conservation du mouvement dans le monde, ou plutôt les déduit de l’immutabilité de Dieu ; part de là pour conclure à l’existence des tourbillons, s’élève par une synthèse hardie des mouvements des atomes à ceux des soleils et de leurs cortèges de planètes, et ne demande finalement à l’expérience que le soin de confirmer par des faits connus ou de nouvelles recherches l’exactitude de sa théorie (p. 7). »

On ne peut contester à aucun degré l’exactitude de cette interprétation ; on peut même lui donner plus de force encore en l’appuyant sur l’autorité même de Descartes. La méthode décrite par M. Mouchot n’est-elle pas la méthode indiquée dans la troisième règle du Discours de la méthode ?

« La troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu comme par degrés jusques à la connaissance des plus composés, et supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres. »

Et d’ailleurs, si le sens de ce passage pouvait être douteux, n’est-il pas parfaitement éclairé par tous les développements que l’on trouve dans les Règles pour la direction de l’esprit, surtout dans l’explication de la sixième règle ainsi conçue :

« Pour distinguer les choses les plus simples de celles qui sont enveloppées, et suivre cette recherche avec ordre, il faut, dans chaque série d’objets, où de quelques vérités nous avons déduit d’autres vérités, reconnaître quelle est la chose la plus simple, et comment toutes les autres s’en éloignent plus ou moins ou également. »