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analyses. — mouchot. La réforme cartésienne

grandeurs géométriques et des constructions géométriques à effectuer sur ces grandeurs. Voyons maintenant les avantages de cette nouvelle conception.

Une ligne est une grandeur mesurable ; il suit de là que tout nombre peut être représenté par une ligne, tout système de nombres par un système de lignes. Mais la réciproque n’est pas vraie. Tout système de lignes ne peut pas être représenté par un système de nombres. Cela tient à ce que les nombres sont des grandeurs discontinues, tandis que les lignes sont des grandeurs continues, et c’est ce qu’expriment les géomètres en disant qu’il y a des lignes incommensurables. On peut pour arriver à l’algèbre partir à volonté de l’arithmétique ou de la géométrie, mais dans le premier cas on arrivera bien vite à des formules qui ne deviendront générales qu’en perdant toute signification précise et même intelligible ; dans le second cas au contraire, on pourra toujours suivre jusqu’au bout les indications de l’analogie et démêler nettement la signification des expressions et des formules les plus générales.

À vrai dire, on avait eu bien avant Descartes la pensée d’éclairer certaines difficultés de l’algèbre en donnant de certaines expressions une interprétation géométrique. Il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir l’Isagoge de Viète. Mais Viète n’avait pas su suivre le développement de sa pensée avec une méthode assez rigoureuse et systématique. On peut rendre ce défaut bien sensible par un exemple très-simple. Soit à donner l’interprétation géométrique des puissances successives , etc., d’une certaine grandeur . Viète nous dit que représentera une droite, le carré construit sur cette droite, le cube construit sur cette même droite. Jusque-là tout va bien ; mais alors les puissances suivantes , , etc., n’ont plus aucune représentation géométrique. Descartes résout la même difficulté d’une tout autre manière : Sur une droite indéfinie OQ, je prends la longueur OA égale à 1. Au point A sur OQ j’élève la perpendiculaire AB. Du point

Figure illustrant les puissances
Figure illustrant les puissances

O comme centre avec un rayon égal à je décris un arc de cercle qui coupe la droite AB en B. Je joins OB et je prolonge indéfiniment vers P. Au point B sur OP j’élève la perpendiculaire BC qui rencontre