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herbert spencer. — études de sociologie

aspiration cordiale. lis se secouent et se flairent les mains aussi, surtout avec un supérieur. » Il y a des manières dé saluer analogues chez les Esquimaux et les naturels de la Nouvelle-Zélande.

L’odorat et le goût se tiennent de si près, que nous pouvons nous attendre à trouver des actes qui ont le goût pour point de départ, et analogues, à ceux qui dérivent de l’odorat ; notre attente n’est point frustrée. Les pigeons se becquètent, et les inséparables se font une caresse à peu près semblable ; on ne saurait contester que cet acte n’indique une affection qui trouve sa satisfaction dans une sensation du goût. Les actes de ce genre ne peuvent avoir, chez les animaux, par exemple chez la vache qui lèche son veau, une autre origine, que l’impulsion d’un désir qui trouve sa satisfaction dans cet acte ; et ici la satisfaction consiste évidemment dans l’impression que fait sur la tendresse maternelle la vive sensation causée par le rejeton. Chez certains animaux, d’autres formes d’affection donnent naissance à des actes analogues. Pour un chien, lécher la main ou la figure, quand il peut y atteindre, est une manière habituelle de témoigner son attachement ; enfin si nous songeons à la pénétration du sens olfactif de cet animal, qui lui permet de suivre la piste de son maître, il ne nous est pas permis de douter que son sens du goût ne reçoive aussi une impression, laquelle s’associe aux plaisirs d’affection que lui cause la présence de son maître. On a toute raison de conclure que le baiser, comme marque d’affection dans l’espèce humaine, a une origine analogue. Sans doute l’usage du baiser n’est pas universel, la race nègre ne paraît pas le comprendre, et dans certains pays, l’usage de renifler le remplace ; mais comme on le retrouve chez des races différentes, et vivant en des pays très-éloignés les uns des autres, nous pouvons conclure qu’il a la même origine que l’action analogue chez les animaux. La question qui nous intéresse le plus en ce moment, est d’observer le résultat indirect de cet acte. Du baiser, signe naturel d’affection, dérive le baiser, moyen de simuler l’affection, partant satisfaction pour la personne qui le reçoit, et par suite de cette satisfaction, moyen de gagner sa faveur. On voit le chemin qui mène de là au baisement des pieds, des mains, des vêtements, autant de démonstrations de cérémonie.

Le sentiment, qu’il ait. son origine dans la sensation ou dans l’émotion, cause des contractions musculaires, qui sont fortes dans la mesure où il est ardent. Entre autres, le sentiment de l’amour ou de linclination produit des effets de ce genre, qui revêtent une forme appropriée. Les animaux ne sauraient guère manifester l’acte le plus significatif de tous ceux qui naissent de ce sentiment, parce que leurs membres ne sont pas faits pour la préhension ; mais dans l’espèce humaine, cet acte laisse bien reconnaître son origine natu-