Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
219
analyses. — froschammer. Die Phantasie, etc.

du moi le non-moi, en face de l’esprit quelque chose qui plus ou moins en diffère. — Que le dualisme s’impose, c’est ce qui résulte de la double nature de notre intuition, par la conscience et par les sens, de ce fait psychologique que les phénomènes intérieurs ne peuvent jamais être perçus par les sens, ni le monde externe être connu directement, sans intermédiaire, comme la pensée. De là deux grands ordres de faits irréductibles, comme les facultés qui nous les révèlent. Mais si ce dualisme apparent est inévitable, ne peut-on échapper au dualisme réel, qui nous impose un problème insoluble ? D’abord la pensée, dont la fonction est de se diviser en idées multiples bien qu’en accord, peut agir par elle-même et sur elle-même, sans avoir besoin d’une substance étrangère pour s’exciter à l’effort par la résistance. En second lieu, la matière ne nous étant connue qu’indirectement, nous ne pouvons affirmer qu’elle soit réellement telle qu’elle nous apparaît. Le dualisme apparent est une conséquence du dualisme de nos facultés sens et conscience ; il permet de rendre compte des phénomènes, et il laisse la réalité intelligible ; le dualisme réel, qui conduit à d’insolubles problèmes, suppose que la matière est dans sa réalité ce qu’elle est pour nous à titre d’apparence, ce qui ne peut être établi qu’en admettant d’abord le dualisme, dont il faudrait démontrer l’existence.

Que l’auteur nous accorde l’unité de substance, nous ne lui contestons plus rien. Au commencement, l’esprit est plongé dans une sorte de torpeur : en lui reposent toutes les idées possibles ; en lui dorment toutes les pensées, qui seront les réalités de l’avenir ; peu à peu, il sort de ce sommeil sans rêves déterminés ; par lui des images apparaissent, des formes se dessinent, des organismes s’ébauchent, et dans ce perpétuel effort il prend de plus en plus possession de lui-même ; il s’entrevoit dans l’obscure sensation vitale de l’être rudimentaire ; dans la conscience de l’animal, il se connaît comme idée organique, et déjà aussi il sait quelque chose du monde externe, du milieu qui, en modifiant cette idée, s’y reflète et s’y voit ; avec l’homme, il devient la conscience réfléchie de lui-même ; il se saisit à titre de principe spirituel, dans la réalité de ses créations par les sens, dans l’universalité de ses lois par l’entendement ; alors en tout il se retrouve, il se sent âme créatrice de l’univers, se résignant à ce qu’il a fait, quand il en est la victime ; trouvant toute consolation aux douleurs personnelles dans le sentiment de la responsabilité, dans l’espoir et dans la volonté de réaliser enfin un bien qui n’ait plus le mal pour condition ; se délivrant de l’égoïsme, en fermant l’oreille aux désaccords de la souffrance individuelle pour ne plus écouter que l’universelle harmonie : mais ce n’est pas là une lâche acceptation du fait accompli ; l’esprit se résigne à ce qui est, parce que ce qui est est le moyen de ce qui doit être ; il ne s’arrête pas à jouir de ses labeurs passés ; principe du mouvement, de la vie, de la liberté, il poursuit son élan vers la perfection, il s’élève du monde réel vers le monde de la vérité absolue, de la beauté parfaite, de la bonté infinie ; poëte, il fait jaillir de son génie, source toujours