Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
217
analyses. — froschammer. Die Phantasie, etc.

devant une forme plus belle le marbre qui l’exprimera ; toujours il voit l’image fugitive s’évanouir, et il se résigne enfin aux nonchalances de ces rêves plastiques, au néant desquels sa fécondité s’épuise. Mettez en présence les deux principes contraires : la lutte s’engage, l’esprit s’efforce de dominer la matière, il la contraint d’exprimer ce qu’il pense, de travailler à son œuvre, et, dans cet exercice constant de ses forces, il les surexcite, il les exalte, il les accroît en les dépensant. Dans la nature comme dans l’homme, l’esprit fait des lois de la matière des moyens pour ses fins : ce sont des forces auxquelles il impose une direction et dont il prévoit les résultantes. Plus il agit par elles, plus il les connaît ; peu à peu il devient capable de résoudre les problèmes les plus compliqués et de créer ces mécanismes aux rouages infinis, aux résultantes sans nombre, toutes en accord, qu’on nomme des organismes : ainsi du cristal jusqu’à l’homme, à travers tous les degrés de la forme visible, de la végétation, de la vie, de la conscience, monte l’esprit universel, jusqu’à ce que, par un dernier effort, par une dernière victoire sur la matière, il se rende visible à lui-même dans sa nature et dans son être, dans ses créations et dans leurs lois. Comment expliquer que la matière et l’esprit, substances hétérogènes, puissent entrer en relation, devenir ouvriers d’une même œuvre ? Que deux forces sans aucun rapport agissent et réagissent l’une sur l’autre, c’est inintelligible, puisqu’elles sont supposées sans point de contact possible. Le monde existe, et son existence exige l’esprit et la matière ; il ne reste qu’une hypothèse : admettre que ces deux principes ne sont pas d’irréconciliables ennemis ; qu’ils ont une origine commune dans un principe supérieur ; qu’ils sont sortis par exemple d’un seul et même acte de la volonté créatrice, qui les a faits l’un pour l’autre. De ce nouveau point de vue, l’aspect du monde change : l’indépendance de l’esprit se conquérant lui-même dans sa lutte créatrice est plutôt apparente que réelle. Dieu est l’auteur de tout ce qui est ; il est présent à son œuvre, il est en elle, il est le moissonneur et le grain semé. De son sein sont tombés tous les germes, qui par une évolution lente se développent sous nos yeux ; c’est lui qui dans l’esprit encore sans images mettait la possibilité des espèces chimiques, des formes vivantes ; c’est lui qui, dans l’indétermination primitive, répandait ces idées du beau, du vrai, du bien, qui finissent après des péripéties sans nombre par s’épanouir dans l’esprit humain. C’est par une nécessité intérieure que se développe la plante du germe au fruit ; n’en est-il pas de même du monde tout entier ?

Ainsi, préoccupé de faire une philosophie de la nature qui réponde aux découvertes de la science contemporaine, sans contredire les dogmes de la théologie, l’auteur prend pour premier principe un mystère : la pénétration réciproque de deux substances hétérogènes. Ce mystère est un problème nouveau, qui ne peut être résolu que par l’existence de Dieu. Mais est-il vrai que l’hypothèse d’un Dieu, créateur de la matière et de l’esprit, rende plus intelligible l’action réciproque