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analyses. — froschammer. Die Phantasie, etc..

dualisme s’impose donc même à ceux qui prétendent s’y soustraire.

Suivons le travail de cette imagination qui se fortifie dans ses luttes, s’exalte peu à peu par l’effort, et arrive par cette concentration toujours plus grande jusqu’à la conscience d’elle-même. Étudions d’abord le monde inorganique. De simples changements de position dans l’espace ne peuvent rendre compte des propriétés toutes nouvelles que mettent au jour les combinaisons chimiques. La simple juxtaposition, qui ne suffirait pas même à expliquer la cohésion, ne peut devenir dans ces combinaisons « une transmutation, une transformation, sinon une trans-substantiation proprement dite. » Nous devons déjà supposer ici l’action d’une puissance travaillant d’après une idée et réalisant une forme. Dans la cristallisation, cette action est plus visible encore : le cristal est déjà un individu, un organisme, où les éléments sont disposés pour l’expression d’une pensée déterminée. La neige et la glace dans leurs dessins compliqués font prévoir les formes des plantes, la disposition des organes vivants, comme pour attester qu’une seule et même pensée domine le développement de l’univers visible. Si les mouvements de la matière livrée au hasard ne peuvent nous rendre intelligible le monde inorganique, comment suffiraient-ils à expliquer la vie ? ce concours d’une multitude d’éléments à une même œuvre ? cette vivante harmonie, toujours menacée, toujours triomphante ? Un organisme est un tout individuel, fermé, dont les parties sont distinctes, mais tellement unies qu’elles forment un ensemble, poursuivent une même fin, constituent un seul être. Il faut qu’un principe unique, que l’idée même de l’être vivant préside à toutes les fonctions, dispose les éléments toujours disparaissant, toujours renouvelés selon la forme extérieure et visible, qui doit être réalisée, dirige tous les mouvements de ce mécanisme compliqué vers les fins, qui doivent être poursuivies. La mort, comme la vie, reste inexplicable, si l’on n’admet pas un principe vital, une puissance qui domine les éléments, les pénètre d’une même pensée, leur impose une même forme, les guide dans leurs mouvements, les contraint à une direction déterminée. Si un organisme est constitué par un simple rapprochement de molécules, la mort naturelle, qui ne suppose pas la séparation violente et comme le déchirement des parties brisées, désunies, disloquées, ne s’explique plus. Il faut donc admettre une puissance surnaturelle qui travaille dans le monde, qui élabore la matière inorganique et se sert des forces physico-chimiques comme de moyens pour ses créations vivantes.

Les premiers êtres organisés devaient être très-simples ; c’étaient sans doute des amas de matière organique, des cellules. Peu à peu, l’imagination objective accroît son énergie, en l’exerçant ; elle poursuit des fins plus lointaines par des moyens plus multiples ; elle invente et réalise des images plus compliquées, créant des êtres supérieurs, qui témoignent des progrès de son génie artistique. Darwin a raison quand il affirme qu’une évolution lente élève les êtres organisés vers la beauté de la forme et la plénitude de la vie ; il a tort quand il nie qu’une pensée