Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
205
analyses. — froschammer. Die Phantasie, etc..

« lumière éternelle qui tombe dans la conscience de l’homme et même dans la nature ; éclaire l’obscurité de l’existence passagère, sombre, douloureuse ; élève et illumine l’esprit ; dirige et purifie la volonté ; ennoblit les sentiments et laisse entrevoir la félicité. »

Considérons les pouvoirs de l’esprit dans leur activité concrète, surprenons-les à l’œuvre ; saisissons sur le fait les procédés par lesquels ils amassent peu à peu les trésors de la science ; ici encore, l’imagination nous apparaîtra comme la créatrice de cette grande œuvre. L’expérience est un art véritable, qui a ses inspirations, ses coups de génie. Pour découvrir la loi, il faut embrasser l’ensemble des faits d’un regard synthétique, les résumer en des images abréviatives, inventer des combinaisons de phénomènes, créer un microcosme, sorte de raccourci du grand monde, et saisir en le reproduisant le principe qui fait l’unité des faits observés. Qu’est-ce que l’hypothèse ? Une création du génie, qui dans son impatience de savoir devance les données de l’expérience et propose ses propres constructions à la nature. Qu’est-ce que l’analogie ? Une hardiesse de l’esprit qui invente ce qu’il ignore en partant de ce qu’il sait. Il n’est pas jusqu’au raisonnement déductif qui ne laisse place au travail de l’imagination. Sans doute, le principe général contient tous les cas particuliers qu’il résume ; mais c’est à elle qu’il appartient de faire de cette abstraction, stérile et morte, une sorte d’être vivant et fécond qui développe toutes les conséquences qu’il porte en lui-même.

La sensibilité et la volonté ne sont pas moins dominées par l’imagination que l’intelligence. Qu’est-ce que l’art, sinon un moyen d’éveiller des sentiments par des images ? Est-il besoin de rappeler que le bonheur de l’homme dépend de l’idée qu’il s’en fait ; que l’amour s’adresse le plus souvent à une personne qui n’existe que par notre fantaisie ? que la crainte, l’espérance, le regret supposent l’image du passé où l’anticipation de l’avenir ? Arrivons à la volonté. Pour qu’une action s’accomplisse, il faut avant tout l’idée d’une fin à atteindre : il n’y a pas de mouvement sans direction. Cette fin n’existe pas encore, elle est donc imaginée : l’avenir apparaît comme présent. L’effort a pour conditions les images des plaisirs et des dangers possibles, les fictions de l’honneur et de la gloire ; souvent aussi, il est surexcité par des légendes ou des fables, et nul ne songe à contester le rôle des croyances à la vie future dans la vie présente.

Ce que nous avons dit suffit à établir que l’imagination joue un grand rôle dans la vie de l’individu et de l’humanité ; une question se pose maintenant à nous : l’imagination est-elle une résultante de forces antérieurement existantes, quelque chose de créé, de dérivé ? ou bien est-elle indépendante dans son être et dans son action ? est-elle un principe, et même le principe premier, originel, immanent à l’univers ? D’abord, elle ne peut pas être sortie des éléments ni des forces du monde inorganique. Comment admettre que cette puissance du caprice et de la libre fantaisie, qui se joue dans ses conceptions de toutes les