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analyses. — froschammer. Die Phantasie, etc.

même dans sa liberté, dans sa force, dans son être réel, à l’affirmation fausse qu’on prétend lui imposer ?

La science n’existe pas, elle devient ; elle n’est pas donnée, elle est conquise. Impatient de savoir, l’homme invente une vérité, combine des fictions qui le consolent de l’ignorance, confond ce qu’il imagine avec ce qui est, sans se soucier des démentis que lui donne la nature. Mais l’erreur même atteste la fécondité de l’esprit, toujours en train de créer pour détruire, de détruire pour créer encore, faisant succéder en lui les mondes aux mondes, et s’élevant par cet effort continu vers la vérité, que sa tâche est de produire en lui-même. Ainsi, la science n’existe que par la correction des erreurs successives, et l’erreur, comme sa correction, n’est possible que par l’imagination : nous pouvons déjà conclure que cette puissance est nécessaire à la recherche et à la possession de la vérité.

M. Froschammer montre ensuite que les trois grands ordres de vérités, que nous avons reconnus, cesseraient d’exister pour nous sans l’imagination. L’accord de la pensée et de l’objet (vérité formelle) n’est possible que si l’objet est représenté dans l’esprit ; la vérité objective (ce qui est) n’existe pour nous qu’à la même condition ; enfin l’idéal, ne se confondant pas avec ce qui est, suppose le travail créateur de l’esprit. L’imagination n’est-elle pas aussi le principe de toute connaissance (das erkennende Grundvermogen) ? ne la retrouve-t-on pas toujours agissant dans les diverses facultés de l’esprit ? D’abord c’est par elle qu’il nous est possible d’entrer en relation avec le monde qui nous entoure : supprimez-la, il n’y a plus ni son, ni lumière, ni couleur, tout se réduit à des mouvements diversement combinés dans la nature ; il n’y a même plus de représentation possible, car ce n’est pas assez que les objets agissent sur les sens, pour qu’ils apparaissent comme images à la conscience ; il faut qu’à l’occasion de l’impression sensible ces images soient créées, façonnées et comme dessinées par l’esprit. Que l’imagination agisse pour ressusciter les perceptions sensibles en l’absence des objets, qui les ont fait naître, nul ne songe à le contester. De là, nous pouvons déduire son rôle dans la mémoire : c’est elle qui fait réapparaître les objets en leur absence, ou qui évoque, à défaut de leurs images, les mots qui sont leurs symboles ; dans l’association des idées : c’est elle qui, les dominant toutes, assigne à chacune une place conforme à sa nature et à son origine. Arrivons à l’activité logique de l’esprit. Supprimez le pouvoir d’unir et de séparer, de rapprocher ou de distinguer, la comparaison est impossible, et avec elle disparaissent la généralisation, le jugement et le raisonnement. Or, c’est à l’imagination seule qu’appartient le pouvoir d’unir comme de séparer, de ramener la diversité des caractères communs à l’unité d’un concept, et d’établir des rapports, des différences. Pour qu’un objet relatif soit pleinement déterminé, il faut qu’il soit distingué de tout autre ; « or, cette distinction n’est possible que si entre lui et tout autre le rien est intercalé dans la pensée. Cet acte de l’esprit n’est possible à son tour que