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analyses. — froschammer. Die Phantasie, etc.

elle crée l’espace et le temps, puisque les images n’existent qu’en s’encadrant dans ces formes, qu’en se groupant dans l’étendue et la durée selon des rapports déterminés ; enfin elle nous montre sans cesse la conscience sortant des profondeurs obscures de l’inconscient, et elle est une faculté à la fois sensible et intellectuelle (geistig-sinnlich), révélant l’esprit sous une forme sensible, en même temps que dans cette forme sensible elle manifeste toujours la présence de l’esprit. N’y a-t-il pas, dans le caractère mixte de cette faculté, une immédiate réfutation du sensualisme et de l’idéalisme, de ces deux doctrines exclusives sur la connaissance et sur la réalité ? Les sens n’existent pas en dehors de l’esprit ; l’esprit n’existe pas en dehors des images, c’est-à-dire en dehors des sens ; les sens ne nous montrent la matière que pénétrée par l’esprit ; il n’y a donc aucune raison qui puisse justifier la négation de l’une de ces deux réalités.

L’imagination étant ainsi définie, nous ne pouvons souscrire aux accusations portées contre elle, accorder qu’elle soit l’ennemie de toute science, la folle du logis, et nous avons à déterminer son rôle dans la connaissance, ses rapports avec la vérité. Il y a trois grands ordres de vérités : la vérité objective, qui se confond avec la réalité, avec ce qui est, qui n’est autre chose que l’objet même, dont l’existence et les propriétés doivent être reconnues par la pensée ; la vérité formelle, qui consiste dans l’accord de la pensée avec l’objet pensé ; enfin la vérité idéale, détermination non plus de ce qui est, mais de ce qui doit être, non plus de l’existence, mais de la perfection. Ces trois vérités ne sont pas isolées, sans rapport. Par un effort sans cesse renouvelé, la réalité tend vers une perfection toujours plus haute, le fait de plus en plus se confondant avec l’idéal : le progrès du monde l’atteste. L’esprit humain suit une marche parallèle, et la vérité formelle, intérieure à l’âme, se rapproche sans cesse de la vérité objective et de la vérité idéale : l’histoire le prouve par l’ascension continue de l’homme vers la science et vers la moralité. Nous savons ce qu’est l’imagination et ce qu’est la vérité ; cherchons maintenant leurs rapports.

Pour montrer que la connaissance n’est possible à l’homme que grâce à la puissance d’imaginer, M. Froschammer commence par reconnaître que cette puissance est le principe de toutes nos erreurs, mais il montre ensuite qu’elle seule contient le remède au mal qu’elle cause, parce qu’elle seule permet la correction successive des erreurs, qui par un lent progrès mène à la découverte de la vérité. C’est une des théories les plus ingénieuses de l’auteur. — L’erreur consiste à se représenter une chose autrement qu’elle n’est, ou à regarder comme existant quelque chose qui n’existe pas. L’imagination étant la faculté de faire apparaître à la conscience des images, sans que pour cela soit nécessaire la présence ou l’action d’objets réels, il est évident qu’elle est responsable de toutes nos erreurs, parce qu’elle seule peut représenter comme réel ce qui ne l’est pas. Elle est la puissance créatrice de toutes nos illusions : c’est elle qui les fait sortir du néant, c’est elle