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variétés. — un théologien philosophe

vement et de si mauvaise grâce, que lui (Strauss) se croyait dispensé de lui en savoir aucun gré. »

Une appréciation plus étendue de cette controverse sortirait du cadre de cet article et n’intéresserait que médiocrement, car on a vu que le docteur Strauss n’était pas un esprit politique, et d’ailleurs ces compositions hâtives sont plus remarquables par la vive allure du style que par l’originalité ou la profondeur des idées. Mal en prit au savant d’avoir courtisé un seul jour la faveur populaire ; au milieu de la joie exubérante que lui causaient les récents succès des armes allemandes, il oublia les égards dus à un peuple malheureux ; on ne s’explique pas autrement certaines expressions cruellement injustes sur l’abaissement moral de la France[1] dont Strauss ne pouvait juger que par ouï-dire, puisqu’il n’avait jamais visité ce pays. L’unité allemande telle qu’elle fut constituée à Versailles ne contentait sans doute pas toutes les secrètes aspirations de l’auteur de la Vie de Jésus ; mais il abaissait son idéal au niveau des réalités de l’heure présente et, à l’opposé de son ami Gervinus, se déclarait très-satisfait du nouvel ordre de choses.


II. — Il nous reste à parler maintenant du dernier ouvrage de Strauss, celui qu’il se plaisait à considérer comme son testament philosophique et théologique, mais où beaucoup de ses plus sincères admirateurs ont refuse de voir le dernier mot d’une longue et glorieuse vie de travail et de méditation. L’Ancienne et la Nouvelle Foi (Der alte und der neue Glaube, ein Selbstbekenntniss), tel est le titre de cette profession de foi, qui se distingue immédiatement des précédents écrits de Strauss par l’extrême simplicité d’une exposition « populaire » débarrassée de tout appareil technique et où la pensée de l’auteur, exprimée sans ménagements et sans voiles, éclate dans toute sa netteté. À la question qu’il se posait déjà dans la préface des Entretiens de Hutten : Sommes-nous encore chrétiens ? Strauss n’hésite pas à répondre par la négative. À cette autre : Avons-nous encore une religion ? il répond encore : non, si par religion on entend une foi quelconque dans un Dieu personnel ; oui, si l’on prend ce mot dans un sens assez large pour qu’il puisse embrasser jusqu’à la conception de Schleiermacher, lequel ramenait le sentiment religieux à celui de notre dépendance ({{lang|de|Abhœngigkeitsgefühl). À ces deux points succède un exposé des vues de l’auteur sur le monde et

  1. Par exemple, cette phrase : « Avant la guerre actuelle, nous ne nous faisions pas une idée de cette pourriture générale et de cette dissolution de tous les liens moraux. » (Van dieser allgemeinen Fœulniss und Auflösung aller sittlichen Bande.)