Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
10
revue philosophique

mices du poisson et des fruits est une marque de respect en usage en faveur des dieux et des chefs. Les Fidjiens font les mêmes présents à leurs dieux et à leurs chefs : ce sont des aliments, des tourterelles, des fanons de baleine. Aux îles Tonga, « si un grand chef vient à faire un serment, il jure par le dieu ; si un chef inférieur fait un serment, il jure par son supérieur à lui, qui est naturellement un plus grand chef. » Aux îles Fidjis, « tout le monde évite avec soin de mettre le pied sur le seuil du lieu consacré aux dieux : les gens de marque l’enjambent, mais les autres le franchissent en rampant sur les mains et les genoux. On observe la même formalité en franchissant le seuil de la maison d’un chef. » Dans le royaume de Siam, « à la pleine lune du cinquième mois, les talapoins lavent l’idole avec une eau parfumée… le peuple lave aussi les Sancrats et les talapoins ; et ensuite dans les familles les enfants lavent leurs parents. » La Chine nous fournit des exemples instructifs. « À son avènement, l’empereur s’agenouille trois fois, et s’incline neuf fois devant l’autel de son père, puis il s’acquitte de la même cérémonie devant le trône où est assise l’impératrice douairière. Ensuite, quand il est monté sur son trône, les grands officiers, dans l’ordre de leur rang, s’agenouillent et s’inclinent neuf fois devant lui. » Nous trou-vous chez les Japonais, qui ne sont pas moins cérémonieux, des faits analogues. « Depuis l’empereur jusqu’au plus humble de ses sujets c’est une succession sans fin de prosternations. Le premier, faute d’un homme qui lui soit supérieur par le rang, s’incline humblement devant une idole ; et chacun de ses sujets, du prince au paysan, a quelque personne devant laquelle il est tenu de faire des courbettes et de s’allonger dans la boue de la rue. » Cela veut dire que la subordination religieuse, politique et sociale s’expriment par les mêmes attitudes.

Nous nous bornons à indiquer cette vérité générale dont nous verrons des exemples abondants quand nous traiterons de chaque espèce d’observance cérémonielle, nous la signalerons brièvement parce qu’elle montre que l’autorité des cérémonies précède dans l’ordre de révolution l’autorité civile et religieuse, et qu’il faut par conséquent s’en occuper en premier lieu.

Laissons les considérations générales sur le gouvernement cérémoniel, pour en étudier les questions moins générales ; nous avons d’abord à nous demander comment prennent naissance les modifications de conduite qui le constituent. On admet communément que ce sont des expressions délibérément adoptées parce qu’elles symbolisent la vénération ou le respect. On applique la méthode dont on fait habituellement usage, quand on spécule sur les pratiques primitives, et on lit, dans des esprits rudimentaires, des idées déve-