Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
178
revue philosophique

son aide que l’âme quitte le corps ; enfin celle qui est appelée samâna et qui consiste à distribuer également entre tous les membres les sucs nourriciers[1]. De même que les sens, le prâna est subtil et limité, sans être un atome. Il n’est pas un atome, puisque ses fonctions s’exercent dans le corps entier ; il est subtil, puisqu’on ne l’aperçoit pas quand il quitte le corps[2].

Comme le védântisme prétendait se rattacher étroitement à la vieille religion védique et qu’il admettait l’existence des anciens dieux, déchus à la vérité du rang suprême pour devenir des créatures d’ordre supérieur faisant partie du cercle de la transmigration, on leur fit une certaine place dans la physiologie que nous venons d’esquisser. Ils président aux fonctions des organes de perception et d’action. On objectait, à la vérité, que les organes, ayant leur énergie propre (çakti), n’avaient pas besoin de la direction des dieux, mais les védântins répondaient par la comparaison suivante, qui n’est au fond qu’un jeu de mots : les chars aussi ont des çaktis, et pourtant ils sont dirigés par des bœufs[3]. On objectait encore que si les dieux présidaient aux sens, c’étaient eux et non pas l’âme individuelle qui en avait la jouissance. La réponse est que les dieux, présidant chacun à un sens distinct, ne sauraient jouir des sensations en général. Il n’y a que l’âme individuelle, qui est seule dans le corps, qui puisse réunir les perceptions et en profiter. Elle seule, du reste, éprouve le bien et le mal et fait provision de bonnes œuvres ou de péchés. Quant aux dieux, qui ont leur résidence spéciale au séjour de la puissance suprême, ce n’est pas dans ce corps imparfait qu’ils viennent chercher les jouissances[4].

Ici se termine notre résumé de la théorie des Brahma-Sûtras sur la création et sur la nature et les fonctions des choses créées, et principalement celles des âmes individuelles. Nous allons résumer à leur tour les indications fournies par le Vedânta-Sâra sur les mêmes sujets.

Paul Regnaud.
(À suivre.)

  1. Çankara. Comm., II, 4, 12.
  2. id., ibid., II, 4, 13.
  3. id., ibid., II, 4, 14.
  4. id., ibid., II, 4, 15 et 16.