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Les eaux, de leur côté, ont le feu pour principe, et la terre est née des eaux, d’après les mêmes autorités[1].

Quant aux modifications ou aux combinaisons issues des éléments précités, elles ne résultent pas de leur développement spontané et automatique, mais bien de la présence et de l’action de Brahma, l’âme de toutes choses, qui produit chaque modification en dirigeant sa pensée sur elle (tad abhidhyânât) et en y prenant résidence sous forme d’âme distincte[2].

Le Sûtra suivant examine incidemment la question de savoir si la dissolution des choses matérielles a lieu dans le même ordre que leur production ou dans un ordre inverse, c’est-à-dire en descendant de la cause à l’effet ou en remontant de l’effet à la cause.

La dissolution de la matière s’effectue dans un ordre inverse de celui dans lequel elle a été produite. D’abord, l’expérience le prouve ; les pots, les écuelles, etc., redeviennent (par l’usure) la terre dont on les a faits ; la glace, la grêle, etc., redeviennent (par l’effet de la chaleur) l’eau qui leur avait donné naissance. Il est permis d’induire de ces faits que la terre (en tant qu’élément) redevient, au moment de la dissolution, les eaux dont elle avait été formée lors de sa création, de même que les eaux formées du feu redeviennent le feu, suivant en cela un ordre d’après lequel l’élément moins subtil se transforme en l’élément plus subtil et passe de sa cause immédiate à sa cause médiate, jusqu’à ce que l’ensemble des effets se trouve anéanti dans la cause suprême et infiniment subtile qui est Brahma. Du reste, cette théorie empirique est confirmée par la raison logique suivante : c’est que l’effet ne saurait subsister quand la cause a disparu, ce qui serait le cas si, par exemple, la dissolution des eaux précédait celle de la terre[3].

En ce qui concerne le développement complet du monde matériel et les êtres qui le composent, les Brahma-Sûtras, ou plutôt le commentaire de Çankara, s’en réfèrent à la théorie cosmogonique de la Chândogya Upanishad[4]. C’est ainsi que Çankara[5] s’appuie sur ce texte pour affirmer que les organes intellectuels, tels que la buddhi, le manas et les sens, sont formés avec les éléments (bhautika). Dans un autre passage[6], il affirme que toutes les choses matérielles, avec leurs noms et leurs formes, c’est-à-dire avec leurs deux principaux

  1. Çankara. Comm. sur les Brahma-Sûtras, II, 3, 11 et 12.
  2. id., ibid., II, 3, 13.
  3. id., ibid., II, 3, 14.
  4. Voir plus haut.
  5. Comm. sur les Brahma-Sûtras, II, 3, 15.
  6. id., II, 4, 20.