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dont elle a été généralement pratiquée, elle n’a pas le degré d’exactitude requis par le calcul des probabilités. La plus sûre et la plus exacte est celle des contrastes ; mais il est douteux qu’elle puisse s’appliquer à d’autres sensations que celles de la vue. La méthode des plus petites différences ne peut servir qu’à des constatations préliminaires et provisoires. Quant à celle dite des erreurs moyennes, c’est la plus sujette à caution et la plus entourée d’obscurités.

L’auteur résume ensuite les faits comme suit. Dans le domaine de la lumière, il est constant que la sensibilité de l’œil atteint son maximum pour un éclat moyen et qu’elle baisse pour des éclats plus forts ou plus faibles. Pour ce qui est des sensations de poids et de pressions, il est fort douteux qu’elles soient soumises à la loi de Weber. Cependant M. Müller ne trouve pas que les expériences de Hering aient été faites avec le soin et l’exactitude désirables. Enfin il y a peu de chose de concluant à tirer des résultats fournis par l’œil pour la mesure des distances, et par les sens de l’ouïe, du goût et de la température ; car M. Müller ne croit pas que les rapports numériques de l’échelle musicale puissent servir d’appui à la loi psychophysique. De sorte que, au total, la loi de Weber n’est valable tout au plus que pour la lumière, le sens musculaire et peut-être l’ouïe, et que, dans tous les ordres de sensations, la sensibilité pour les différences, quand l’excitation va croissant, s’élève jusqu’à un maximum ; après quoi elle diminue.

M. Müller discute la notion du seuil et trouve que ce n’est pas un fait au-dessus de toute contestation ; que, s’il existe, il peut s’expliquer sans peine en se plaçant au point de vue physiologique, et que, dans tous les cas, on ne peut voir en lui un argument en faveur de la théorie psychophysique. Quoique les raisonnements de l’auteur soient, en général, autres que les miens, je tiens à noter cette singulière coïncidence dans nos sentiments.

Passant ensuite à la signification physiologique que l’on pourrait donner à la loi de Weber, il examine la portée des travaux de Dewar et M’Kendrick (voir Revue philos., loc. cit., p. 262) ; il en montre les défauts et les erreurs. À cette occasion, il critique les vues de Mach et de Hering sur les effets de la dilatation et de la contraction de la pupille et le jeu des paupières, phénomènes, dit-il, auxquels on accorde un rôle extrêmement varié et excessivement commode quand on est en quête d’explications. Il repousse la théorie psychophysique et métaphysique de Fechner ; il n’admet ni ne comprend les sensations négatives (qu’il croit être aussi des sensations inconscientes, p. 368), et il se heurte aussi à la sensation , conséquence forcée de la notion quelque peu paradoxale du seuil. Il n’est pas