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en général ; » de l’individu lésé on ne tient pas compte. Évidemment cela veut dire que l’obéissance était l’obligation primitive, et l’attitude qui l’exprimait la première modification de la conduite qu’on réclamât.

Le gouvernement religieux, mieux encore que le gouvernement politique, nous offre le même résultat. Ce qui nous montre que la religion primitive se composait presque entièrement d’observances propitiatoires, c’est que les rites qu’on accomplissait jadis auprès des tombeaux, transformes par la suite en des rites religieux qu’on accomplit devant des autels ou dans des temples, étaient dans le principe des actes destinés à la satisfaction de l’esprit du mort, soit qu’on l’ait originellement conçu comme un dieu, soit que l’imagination l’ait élevé à ce rang ; c’est encore que les sacrifices, les libations, les immolations, les sacrifices sanglants et les mutilations, étaient tous au début des actes profitables ou agréables au double de l’homme mort, que l’on continua à accomplir sur une plus grande échelle partout où l’on redoutait spécialement de le voir reparaître ; c’est enfin que le jeûne, d’abord rite funèbre, a donné naissance au jeûne religieux, que les louanges du mort et les prières qu’on lui adressait sont devenues des louanges et des prières religieuses. Sans doute, dans certaines sociétés informes actuellement existantes, un des actes de propitiation consiste à répéter les injonctions laissées par le père ou le chef défunt, à quoi l’on ajoute quelquefois des expressions de pénitence pour les infractions dont on s’est rendu coupable à leur égard ; sans doute aussi cet usage nous fait voir qu’il existe dès le début un germe d’où se développent les préceptes sacrés qui finiront par former des accessoires importants de la religion ; mais comme on se figure que ces êtres auxquels on suppose une qualité surnaturelle, conservent après leur mort les désirs et les passions qui les distinguaient pendant leur vie, ce rudiment de code moral n’est originellement qu’une partie insignifiante du culte et l’hommage légitimement dû de ces offrandes, de ces louanges et de ces marques de subordination à l’aide desquels on s’assure le bon vouloir de l’esprit ou du dieu, en constitue la partie principale. Nous en trouvons des preuves partout. On nous apprend que chez les Tahitiens « des rites religieux s’attachent à presque tous les actes de la vie ; » et l’on nous dit la même chose en général des peuples non civilisés et à demi civilisés. Les naturels des îles Sandwich qui possèdent à peine un rudiment de l’élément moral que l’idée de religion renferme chez nous, ont pourtant un cérémonial rigoureux et compliqué. Remarquez que le mot tabou veut dire à la lettre « consacré aux dieux », et lisez le passage suivant où Ellis en décrit l’observance : « Pendant la saison du tabou rigoureux, il faut éteindre les feux et