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sur le sens de la température. Ici encore les teintes peuvent être graduées dans les deux sens, du sombre au clair ou du clair au sombre ; il est à peine besoin de dire que la loi n’en est pas le moins du monde altérée. Voilà donc la progression établie et prouvée pour la lumière. D’ailleurs ce résultat que Fechner a contribué à établir en faisant usage d’autres méthodes, ne peut être sérieusement contesté.

Quant à la loi de la dégradation ou de la tendance à l’annulation de la sensation, elle ne ressort pas et ne peut ressortir de cette expérience. Le contraste entre la chaleur de la peau et celle du vase n’est pas identique à celui qui existe entre deux teintes voisines. Celui-ci n’a d’analogue dans le domaine de la température que le contraste qui sera toujours senti entre deux parties voisines d’un même milieu, l’une plus chaude et l’autre plus froide. L’affaiblissement de la sensation de chaleur se produit quand la peau est soumise à l’action permanente d’une même source de calorique. Or le même affaiblissement peut se produire pour l’œil ; M. Plateau a montré que la sensation provoquée par une surface lumineuse s’éteint peu à peu par la contemplation. Si l’on tient pendant quelques instants les yeux fixés sur un petit cercle blanc laissé au milieu d’un fond noir, puis qu’on les jette sur une surface tout entière d’un même blanc, on voit se dessiner sur la surface blanche, à son milieu, un petit cercle plus sombre. La sensation parviendrait-elle à s’annuler complètement ? C’est ce que nous examinerons dans le chapitre suivant.

Reste la loi de la tension. Ici, elle se vérifie pleinement, et, comme il y a sur ce point entre Fechner et moi quelque dissentiment, on me permettra d’insister davantage.

Que l’on imagine trois anneaux concentriques : l’intérieur est blanc, l’extérieur gris foncé, et l’intermédiaire d’un gris paraissant, sous une lumière donnée, autant éloigné du blanc que du gris foncé. Si l’on augmente la lumière, le gris intermédiaire gagne comparativement plus en éclat que la teinte claire de l’anneau intérieur et, par suite, tend à s’en rapprocher. Au contraire, si l’on diminue la lumière, ce même gris moyen s’assombrit assez rapidement, se rapproche du gris foncé de l’anneau extérieur et s’éloigne du blanc, qui, à son tour, perd relativement moins sous le rapport de la clarté. De sorte que la lumière peut être, d’un côté, assez faible pour que le contraste entre les deux anneaux extérieurs s’évanouisse ? et, de l’autre, être assez forte pour que celui des anneaux intérieurs s’efface complètement. C’est ce qui fait que pendant la nuit on distingue seulement du blanc et du noir et non des teintes intermé-