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DELBŒUF. — LA LOI PSYCHOPHYSIQUE 137

��IX. — Une nouvelle théorie de la sensibilité.

La théorie déduite par moi des expériences et des observations connues peut se résumer en trois lois : lois de progression, de dégradation, de tension. Certes, je n'ai pas en elles une foi absolue; mais je dois dire que jusqu'à ce jour ma défiance a diminué plutôt qu'augmenté. Gomme Fechner ne me semble pas en avoir saisi par- faitement le jeu, et que, pour le moment, ce sont les seules qui peu- vent entrer en concurrence avec les siennes, il me paraît utile d'en faire un nouvel exposé, complétant celui que j'en ai donné ici même et ailleurs 1 .

Imaginons une expérience portant sur le sens de la température 2 . Cette expérience est purement idéale, car il y a pour ainsi dire impossibilité absolue de l'exécuter telle qu'elle est ici conçue ; mais elle est de nature à bien faire comprendre la façon dont j'entends le phénomène de la sensation.

Nous supposons que les deux mains soient également sensibles au calorique et que toute douleur soit évitée. Deux vases contiennent de l'eau d'une température égale à celle des mains. En les y plon- geant, on n'aura pas de sensation. Élevons doucement la température de l'un des deux vases, il arrivera un moment où l'on s'apercevra d'une différence. Ce sera, par exemple, quand la température du premier vase étant f , celle du second est £ + c? = f 4 . Nous pour- rons écrire d = m * , m étant en général plus petit que 1. Rendons la chaleur des deux vases équivalente à f , et attendons que les deux mains y soient habituées au point de ne plus rien éprouver. Puis opérons comme tantôt et augmentons la chaleur de l'un d'eux. On ressentira qu'il y a accroissement quand la différence sera d 4 , et l'on aura t k + d, = f 2 . Or, par supposition, il se trouve que d i = m t i ;

raisonnons comme Fechner. Admettons que la vie réelle ne commence à être appréciée qu'à partir, par exemple, de l'âge d'un an (c'est le seuil), et posons qu'à cet âge la vie apparente est nulle, c'est-à-dire que, pour r = 1, on a a = 0, d'où c = 0. On obtient ainsi la formule a = k log r. De là ces consé- quences bizarres : à moins d'un an, la vie apparente est négative ; au moment de la naissance elle est l'infini négatif. Qu'est-ce, demandera-t-on, qu'une vie apparente négative? C'est, devrions-nous répondre, l'évaluation que l'on donne à la vie réelle quand on n'est pas encore tout à fait en état de lui en donner une. Et quant à l'infini négatif, c'est la manière dont un être qui n'est pas encore né juge la vie qui s'est écoulée pour lui. On touche ici du doigt l'im- possibilité où l'on serait de trouver une interprétation raisonnable de pareils symboles qui en soi sont inintelligibles. (Voir ce que je dis à cet égard dans ma Logique algorithmique, Rev. philos., octobre 1876, p. 347 et 352.)

1. Rev. Tphil., loc. cit., p. 244 sqq. et p. 253.

2. Voir Revue scient., 15 mai 1875, p. 1089.

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