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REVUE PHILOSOPHIQUE

toutes les directions, et instable verticalement, de sorte que l’aiguille, abandonnée à elle-même, ou bien tombera, ou bien s’élancera à l’aimant.

« Maintenant, imaginons deux chaînes en fil de cuivre attachées l’une à la tête, l’autre à la pointe de l’aiguille, et descendant jusqu’à un support horizontal sur lequel reposent leurs parties inférieures. Si ces chaînes sont assez légères, il est clair qu’il y aura encore une hauteur à laquelle le poids de l’aiguille, plus celui des parties descendantes des deux chaînes, fera équilibre à l’action attractive de l’aimant ; mais alors l’équilibre sera permanent… J’ai essayé l’expérience, et l’équilibre permanent s’est réalisé… Cette expérience présente un fait singulier, qui au premier abord semble paradoxal… L’aiguille étant placée sur la tablette du support… on fait monter celui-ci jusqu’à ce qu’elle soit près de céder à l’attraction magnétique, et on la fixe à cette hauteur. » En prenant certaines précautions, on peut soulever l’aiguille successivement à différents points, tout en la maintenant horizontale, de manière à dresser « les chaînons les uns après les autres, sans que l’aiguille tombe ou s’élève d’elle-même, jusqu’à ce qu’on atteigne une limite… au delà de laquelle l’aiguille s’élancerait à l’aimant, entraînant les chaînes après elle. » Dans cette expérience, le poids soulevé augmente suivant une progression arithmétique dont la raison est chaque fois le poids de deux chaînons. D’un autre côté, la distance de l’aimant à l’aiguille diminue chaque fois de la longueur d’un chaînon, et la puissance attractive de l’aimant croît suivant une loi plus rapide (la loi du carré des distances) ; et il suffit, pour que l’équilibre se maintienne, que l’excès de l’attraction sur le poids de l’aiguille et des chaînons soulevés soit inférieur au poids d’un chaînon.

Nous pouvons modifier légèrement l’expérience, supposer un aimant qui soulève une chaîne reposant sur un support, et imaginer que la puissance attractive de l’aimant aille en croissant progressivement. La chaîne va s’élancer par bonds vers l’aimant, soulevant ses chaînons un à un et tour à tour. Si maintenant nous remplaçons dans notre pensée les chaînons par des molécules, la chaîne fictive se dressera en apparence d’une manière uniforme et permanente, mais manifestera en réalité un mouvement discontinu, saccadé, intermittent ; chaque molécule quittera à un moment donné le support et restera quelque temps en repos, jusqu’à ce qu’une nouvelle molécule s’en détache à son tour. Le phénomène, pour s’être appliqué à des parties plus petites, n’aura nullement changé d’allure.

En résumé donc, tout corps en mouvement avance à la façon des aiguilles d’une montre, par petits sauts intermittents. Sans doute ces