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herbert spencer. — études de sociologie

salutation, de messieurs par exemple, il est obligé de repasser sans rien oublier toute une série de noms et de titres, et souvent de citer une foule d’aïeux, dont ses auditeurs sont très-fiers. »

Ce qui montre que l’autorité du cérémonial, qui précède toutes les autres, demeure toujours la plus répandue, c’est que dans les relations entre les sociétés, civilisées, demi-civilisées ou barbares, aussi bien que dans celles des membres de chaque société, les actions qui ont un caractère positivement gouvernemental ont ordinairement pour préliminaires ce gouvernement d’observance. Une ambassade peut échouer, une négociation peut se trouver interrompue par la guerre, l’assujettissement d’une société par une autre peut donner naissance à une règle politique plus vaste qui commande avec autorité ; mais on retrouve d’ordinaire le cérémonial, cette réglementation plus vague et plus générale de la conduite antérieure à la réglementation plus spéciale et plus définie. Ainsi dans une société, les actes d’une autorité relativement rigoureuse émanés d’un personnel gouvernant, civil et religieux, ont pour point de départ et pour garantie cette autorité des cérémonies qui non-seulement met en jeu toutes les autres autorités, mais en un sens les embrasse. Les fonctionnaires, ecclésiastiques et politiques, quel que soit le caractère coercitif de leurs actes, les conforment dans une grande mesure aux exigences de la courtoisie. Le prêtre, si arrogant qu’il puisse être, obéit aux usages de la civilité ; et l’agent de la loi remplit son mandat en se soumettant à l’obligation de prononcer certains mots et de faire certains gestes propitiatoires.

Il est encore un autre signe qui prouve que cette forme d’autorité est primordiale. Elle s’établit de nouveau chaque fois que des individus se mettent en relation. Entre intimes même, des compliments, expressions obligées de la continuation du respect, sont le prélude de tout renouvellement de relations. Encore que la forme de ces compliments soit réglée par l’usage, ils sont l’effet direct du désir de ne pas blesser. Enfin, nous voyons qu’en présence d’un étranger, en chemin de fer par exemple, l’homme le plus grossier témoigne par une certaine réserve et peut-être aussi par un acte, comme celui d’offrir un journal, qu’il ne laisse pas non plus de prendre spontanément une attitude propitiatoire.

On voit donc que les formes modifiées d’actions que produit en l’homme la présence de ses semblables, et qui se montrent également chez les membres affranchis de toute autre autorité qui composent les groupes sociaux inférieurs, et chez les membres soumis à d’autres genres d’autorité qui composent les groupes sociaux supérieurs, on voit, dis-je, que ces formes d’action constituent un genre d’autorité relativement vague, d’où se dégagent les autres genres d’autorités