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herbert spencer. — études de sociologie

il devenait l’image de ce dieu Totec. » Nebel (pi. 3, fig. 4) reproduit une statuette de basalte représentant un prêtre (ou idole) revêtu d’une peau d’homme. Nous en trouvons une autre preuve dans la coutume d’un pays voisin, le Yucatan ; il y était d’usage de « jeter les corps en bas des gradins ; on les écorchait ; le prêtre revêtait les peaux et se mettait à danser, puis on enterrait les corps dans la cour du temple. On faisait à la guerre des prisonniers qu’on réservait pour ces sacrifices, et certains individus de la nation étaient condamnés à les subir. »

D’ordinaire pourtant, le trophée de peau est d’une petitesse relative : il n’a qu’une condition à remplir : c’est d’être tel que le corps ne puisse pas ea fournir un second. Nous en voyons très-bien l’origine dans la description suivante d’un usage des Abipones. Ils conservent les têtes des ennemis, et, « lorsque la crainte de la reprise des hostilités les oblige à chercher des lieux où ils soient plus en sûreté, ils dépouillent ces têtes de leur peau, en la coupant d’une oreille à l’autre par une incision qui passe au-dessous du nez, et l’enlèvent adroitement avec la chevelure… L’Abipone qui garde chez lui le plus grand nombre de ces peaux dépasse tous les autres en renommée guerrière. »

Mais il est évident qu’il n’est pas nécessaire de montrer toute la peau pour prouver qu’on a été en possession de la tête qu’elle recouvrait : la peau du sommet du crâne, qui se distingue de toutes les autres par l’arrangement des cheveux, remplit cette intention : de là l’usage de scalper. Les récits de la vie indienne nous ont si bien familiarisés avec cette coutume, que nous n’avons pas besoin d’en donner des exemples. Il n’est pas non plus nécessaire de décrire en détail la danse des Indiens autour « des chevelures attachées à une perche », après la victoire, ni de rappeler qu’on les regardait comme « des trophées de grande valeur et qu’on les exposait aux yeux du public dans les fêtes ». Il convient cependant de citer un exemple que nous trouvons chez les Chochones, parce que nous y voyons clairement le trophée servir à attester la victoire, c’est-à-dire de témoignage légal considéré comme le seul probant. « Prendre la chevelure d’un ennemi est un honneur tout à fait indépendant de l’acte de le vaincre. Tuer un adversaire n’est rien, tant qu’on ne rapporte pas la chevelure du champ de bataille, et, s’il arrive qu’un guerrier tue un certain nombre d’ennemis dans l’action et que d’autres prennent les chevelures ou mettent les premiers la main sur les morts, c’est à ces derniers que reviennent tous les honneurs, puisqu’ils ont remporté le trophée. » D’ordinaire, l’usage de scalper nous fait penser aux Indiens de l’Amérique du Nord, mais il ne