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ÉTUDES DE SOCIOLOGIE


I

LE GOUVERNEMENT CÉRÉMONIEL




Si, à l’exclusion de toutes les actions privées, nous faisons rentrer sous le nom de conduite toutes celles qui impliquent des relations directes de l’agent avec autrui ; et si nous comprenons sous le nom de gouvernement toutes les institutions qui ont de l’autorité sur la conduite, quelle que soit leur origine, il faut avouer que le genre de gouvernement le plus primitif, celui dont l’existence est la plus générale, et qui se reconstitue toujours spontanément, est le gouvernement des observances cérémonielles. Ce n’est pas dire assez. Non-seulement cette espèce de gouvernement précède toutes les autres, et non-seulement elle a en tout lieu et en tout temps à peu près joui d’une influence universelle, mais elle a toujours possédé, et elle garde encore la plus grande part de l’autorité qui règle la vie des hommes.

La preuve que les modifications de conduite appelées manières et attitudes se produisent longtemps avant celles qui ont pour cause les freins politiques et religieux, c’est qu’elles précèdent non-seulement révolution sociale, mais l’évolution humaine : on peut les apercevoir chez les animaux supérieurs. Le chien qui craint les coups s’avance en rampant aux pieds de son maître ; il montre évidemment le désir de témoigner de sa soumission. Ce n’est pas seulement auprès des hommes que les chiens ont recours à ces actes de propitiation ; ils se comportent de même l’un à l’égard de l’autre. Tout le monde a eu l’occasion de voir un petit épagneul, fou de terreur à l’approche de quelque formidable terre-neuve ou d’un. énorme dogue, se coucher sur le dos et lever les pattes en l’air. Au lieu de les menacer d’une résistance, en grondant et en montrant les dents,